Pour Gabrielle Vizzavona, "le poids des labels sérieux devrait s’accentuer"

Gabrielle Vizzavona a, comme les vignerons, de multiples casquettes : critique de vin, journaliste, formatrice en Master. Avec sa double formation en économie (MSC en économie) et vin (Master en management de l’OIV, Diploma du WSET), elle nous livre son analyse sur les attentes actuelles et futures des consommateurs.

Quelles sont les attentes des consommateurs vis-à-vis du vin ?

G.V. : Notre goût se forme en grande partie dans l’enfance, par le rapport à l’alimentation à laquelle nous sommes exposés, notre « patrimoine gustatif », en quelque sorte. Puis, il est mobile tout au long de notre vie selon les influences que nous recevons. Aujourd’hui, les mots d’ordre sont « buvabilité », « digestibilité », « fruit ». La tendance s’oriente également en faveur d’une certaine vivacité. Quant à l’élevage, nous sommes passés d’excès assumés, dictés par le marché américain à des élevages plus subtils, utilisés pour leur capacité à élargir le milieu de bouche plutôt qu’à aromatiser. J’ai pu aussi constater une revalorisation, depuis quelques années, de l’amertume, comme catalyseur des fins de bouche, qui plaît beaucoup quand elle est bien maîtrisée. Sans doute sous l’influence de nos voisins italiens. Les « beaux amers » comme ils sont souvent nommés.

Le consommateur est désormais de plus en plus sensible aux produits qui expriment l’identité d’un lieu et à l’environnement, une tendance qui se renforcera encore avec l’arrivée des consommateurs de la génération Z. Je le constate auprès de mes étudiants, la génération « Greta Thunberg » est dans une démarche nettement plus globale, au-delà de l’environnement, qui est pour elle la base, elle s’intéresse aussi à l’impact général des productions (carbone, RSE, le packaging, etc.), et pas seulement aux intrants.

Je pense que les viticulteurs — du moins ceux qui ont une démarche artisanale — qui ne sont pas engagés dans une certification reconnue par le consommateur (Bio, Demeter, etc) auront de plus en plus de difficultés sur les marchés.

 

Quels conseils donneriez-vous aux vignerons pour mieux communiquer auprès des consommateurs (sur les réseaux sociaux notamment) ?

G.V. : Une très large majorité des consommateurs achètent un imaginaire plus qu’une bouteille. On se connecte plus facilement à un vigneron qui incarne son vin ou à une histoire qu’à une bouteille — surtout quand on ne l’a pas encore goûtée. Les vignerons mettent trop souvent en avant des données techniques qui intéressent seulement les professionnels du secteur et une poignée de geeks. Pour avoir une communication efficace sur les réseaux sociaux, il faut être régulier et accepter de donner un peu de soi, de son histoire. Il est donc difficile de déléguer cette activité. L’objectif est de créer du lien, une émotion.

Le consommateur attend de l’« edutainement » un mélange d’éducation et de divertissement. Il a envie qu’on lui demande son avis, d’interagir avec le contenu. Nous avons aujourd’hui une consommation de médias « multi-screens », c’est-à-dire que nous consultons de nombreuses sources (journaux, RS, TV…) parfois au même moment, ce qui rend aussi notre attention plus volatile. C’est pourquoi il est important de se démarquer par son identité visuelle et son message. Avec le développement du numérique, de plus en plus d’outils sont à disposition et permettent de jouer avec plusieurs types de contenus (photo, vidéo, podcast…). Bien entendu, cela ajoute encore une casquette au vigneron qui en a déjà de très nombreuses !

 

Comment faire parler de son domaine dans la presse Vin ?

G.V. : Tout d’abord, il faut participer au maximum aux appels à échantillons pour que le produit soit remarqué. C’est la base, mais c’est vrai que beaucoup ne participent pas. Le goût est avant tout ce qui va attirer l’attention. Ensuite les nouveautés, l’innovation, l’originalité, tout ce qui sort du lot est toujours séduisant car le journaliste cherche avant tout une bonne histoire ou une exclusivité. Pour un domaine viticole, avoir une marque efficace nécessite aussi une cohérence dans tous les éléments de sa communication, c’est-à-dire, son histoire, son identité visuelle, son lieu d’accueil, qui s’exprime sur tous ses supports et canaux (site, RS, dossier de presse, etc.). C’est le travail que je fais sur l’identité et les éléments de langage avec les propriétés ou les groupes que j’accompagne. Avoir de belles photos, empruntes d’humanité, en haute définition à disposition est une priorité — nous sommes dans un monde dominé par la vue — ce qui n’est pas toujours le cas pour les petits domaines ou appellations. Halte aux photos de grappes de raisin, un peu galvaudées.

 

Comment voyez-vous évoluer les tendances dans le monde du vin, en France comme à l’étranger ?

G.V. : Je prépare actuellement pour Vinexpo une série de podcasts consacrés aux vins du futur, en interrogeant différents profils de personnalités du vin au niveau international. Se projeter à 50-75 ans est un exercice difficile… En France, il en ressort beaucoup de questionnements au niveau environnemental, sur la nécessité d’adapter les réglementations au changement climatique, notamment concernant l’irrigation. Pour moi, le poids des labels devrait s’accentuer à l’avenir, mais leur nombre devrait diminuer : actuellement, nous assistons à une multiplication de ceux-ci, mais je pense qu’à terme il ne subsistera qu’une poignée de labels « sérieux ». La crédibilité de ceux-ci étant elle aussi dépendante de leur image et de leur usage.

Dans les pays du Nouveau Monde, la tendance à territorialiser va s’accentuer, pour créer plus de valeur, suivant l’exemple européen. Côté vinification, on sent une montée en puissance de la diversification des contenants.Et pour le packaging… beaucoup de choses ne sont pas encore admises en France comme la capsule à vis. Même si nous sommes de moins en moins conservateurs, nous ne sommes pas encore libérés du poids de notre culture. Cela n’est peut-être pas plus mal ainsi !

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