Les coopératives et domaines qui installent des panneaux photovoltaïques sur leurs bâtiments sont de plus en plus nombreux. Chaque nouvelle installation rapproche la France de ses objectifs ambitieux mais pas irréalisables à moyen terme. Richard Loyen, délégué général d’Enerplan, le syndicat des professionnels français de l'énergie solaire, fait le point.
En avril 2020, le Gouvernement français a publié sa nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie. L’objectif sur le solaire y est de 20 gigawatts (GW) d’ici 2023. Est-il tenable ?
Richard Loyen: Fin 2021, en France, le niveau de raccordement pour l’électricité solaire était de 13 GW. La croissance moyenne annuelle est de un gigawatt, hormis en 2021 avec un niveau record de raccordement de 2,5 GW. Néanmoins, même si l’on maintient ce rythme sur 2022 et 2023, la France ne pourra pas atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement.
Certains pays européens comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne ont déjà construit et raccordé plus de 10 GW de solaire sur une année, soit l’équivalent en énergie d’une tranche d’un réacteur nucléaire EPR.
La France est aujourd’hui en retard par rapport à ces pays et par rapport à ses propres objectifs. Les raisons sont multiples mais se résument à un cadre beaucoup trop rigide et à un manque de mobilisation des différents acteurs.
Enerplan a récemment publié un plan d’urgence solaire. Quelles sont les solutions proposées par les professionnels français de l'énergie solaire ?
R.L.: Ce plan s’inscrit dans une vision à long terme jusqu'en 2050, où l’énergie solaire devrait représenter au moins 25% de la production électrique française, contre 3% actuellement. Nous proposons d’agir sur tous les projets d’installations, des panneaux solaires sur un balcon ou une centrale solaire au sol.
Pour les installations des particuliers et des collectivités, Enerplan demande une diminution de la TVA de 19,6% à 0 ou 5%. Pour les installations de moins de 100 killowatts-crête (kWc), nous suggérons de geler les tarifs d’achat jusqu’à fin 2023. Concernant celles avec un potentiel supérieur à 500 kWc, soumis à appel d’offres, il nous semble nécessaire de raccourcir toute la procédure de permis de construire à un an maximum, incluant les études d’impact et les enquêtes publiques, et ce sous réserve de l’approbation du conseil municipal des communes concernées.
Les vignerons de toute la France ont-ils un intérêt à réfléchir à l’énergie solaire ?
R.L.: En France, la capacité de production photovoltaïque varie de 800 à plus de 1800 kWh/m2 selon les territoires. Des vignobles sont localisés dans les zones les plus ensoleillées. Les installations sur les toitures des domaines de ces territoires produiront plus d’électricité à revendre et/ou à autoconsommer. L’amortissement est plus rapide.
Néanmoins, notez que l’Allemagne, plus septentrionale et moins ensoleillée que la France, est le pays européen le plus équipé en panneaux photovoltaïques. Même dans les vignobles du nord-est de la France, naturellement moins ensoleillés, il est possible de produire de l’électricité photovoltaïque. Les champagnes Drappier le prouvent, ils sont autosuffisants en électricité à 75% grâce au photovoltaïque.
Il est aussi bon de savoir que le coût des panneaux solaires et des ondulateurs vont continuer de baisser, si l’on sort de la période inflationniste que l’on connaît actuellement. En dix ans, à puissance égale, l’investissement nécessaire à l’installation de panneaux a été divisé par dix. Seul le coût du raccordement est stable.
Ce n’est plus un projet réservé aux plus gros investisseurs. Les besoins électriques des exploitations viticoles sont croissants, les prix de l’énergie aussi. La production et l’autoconsommation sont des projets qui ont du sens pour les filières agricoles, en générant de l’indépendance énergétique.
Les domaines viticoles sont parfois à proximité de monuments classés. Le solaire est-il compatible avec le patrimoine architectural ?
R.L.: Les architectes des Bâtiments de France (ABF) ont le dernier mot pour une installation comprise dans un rayon de 500 mètres autour d’un monument classé. En dehors, c’est le maire qui décide en suivant ou non la recommandation des ABF. Il est donc important de prévenir la municipalité avant l’installation. Un architecte privé peut aussi donner des conseils avisés sur l’intégration paysagère des panneaux solaires.
Des améliorations de rendement énergétique sont-elles à attendre ?
R. L.: Le rendement maximal est aujourd’hui de 22 à 24%. Cela signifie qu'un panneau affichant un rendement de 24 % va pouvoir transformer en électricité 24 % de la lumière reçue.
D’ici 2030, les fabricants visent un rendement de 30%. Une nouvelle génération de panneaux photovoltaïques plus performante est en cours d’installation et de remplacement des infrastructures les plus vieilles.
Ces cellules à meilleur rendement devraient être autant ou moins chères que celles des générations passées. En conséquence, produire de l’électricité solaire sera de moins en moins coûteux à surface équivalente.