Glyphosate : ce qui divise les experts

Ré-homologation du glyphosate en Europe divise les pays membres

Jamais le renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché d’une substance active n’aura fait autant parler les médias, mobilisé l’opinion publique et suscité des débats dans les instances européennes.

Il faut dire que le glyphosate n’est pas n’importe quel pesticide. Herbicide le plus vendu au monde, il est incarné par une firme qui est loin d’avoir la faveur du grand public : la société Monsanto.

Le "cas glyphosate" c’est aussi une bataille ouverte entre les scientifiques.
D’un côté, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’agence de l’OMS chargée d’inventorier les substances cancérogènes qui a classé le glyphosate "cancérogène probable" pour l’homme.

De l'autre, l’EFSA qui conclut à l'inverse. Selon Autorité européenne de sécurité des aliments il est "improbable" que le glyphosate soit cangérogène.

Plusieurs explications circulent pour comprendre les différences de positions.

Hypothèse 1 : Le CIRC et l’EFSA ne jugent pas les même produits

Interrogé par Radio France International, Robert Bellé, biologiste, professeur à l'université Pierre-et-Marie-Curie rapporte que l’EFSA analyse les substances actives : à savoir le glyphosate. Le CIRC, quant à lui, juge des agents c’est-à-dire des spécialités commerciales contenant des adjuvants comme le Round Up. Et de fait, les deux organismes auraient raison.

Comme nos résultats le montrent, le glyphosate seul ne pénètre pas les cellules, sauf à très forte quantité. Dans les mixtures, en revanche, il est efficace et toxique pour les cellules notamment lors de la division cellulaire sur des cibles liées à l’initiation de cancer. 

Position confirmée par Marcel Kuntz, biologiste (CNRS-CEA-INRA-Université de Grenoble) interrogé par La Croix :

Tout le monde pense aujourd’hui que le principe actif est moins toxique que certains composés qui l’accompagnent comme des agents mouillants qui facilitent la pénétration du produit dans les feuilles des plantes. Le glyphosate, seul, est une molécule qui a une toxicité immédiate très faible, qui n’est probablement pas un perturbateur endocrinien, et probablement pas cancérogène, excepté, peut-être, pour le lymphome non hodgkinien, un cancer du sang. 

Hypothèse 2 : Le CIRC et l’EFSA ne s’appuient pas sur les même études

Selon un article très documenté du journal Le Monde, au CIRC, "les études prises en compte sont essentiellement publiées dans la littérature scientifique. Ce sont des études conduites par des chercheurs des universités, des organismes publics de recherche ou encore commanditées par des industriels. Toutes ont en commun d’avoir été publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture, c’est-à-dire une forme d’expertise préalable à la publication. Au total, le CIRC dit avoir tenu compte d’environ un millier d’études pour son évaluation du glyphosate."

L’EFSA pour rendre son avis a fait confiance au rapport redigé par l’homologue allemand de l’Anses qui se serait appuyé sur les même études que celles du CIRC, "mais aussi et surtout, comme le prévoit la réglementation européenne, sur des études fournies par une vingtaine d’industriels commercialisant des pesticides à base de glyphosate en Europe (Monsanto, Dow Agroscience, Syngenta, etc.), réunis au sein du Glyphosate Task Force (GTF). Ces études sont considérées prioritaire par les évaluateurs du risque car elles répondent à un cahier des charges réglementaires précis". Et ces études ne montrent pas de risques cancérogènes.

Le CIRC a choisi d’ignorer les études des firmes ; ces dernières ne publiant que les résultats sans détailler la méthode. Une position on ne peut plus légale aux yeux de la réglementation écrite par les instances européennes.

Hypothèse 3 : Les conflits d’intérêt avec les firmes phytosanitaires suspectés

Le CIRC et l’EFSA n’ont pas de bibliographie identique, n’aboutissent pas au même interprétations sur les documents communs et n’ont pas, non plus, le même soucis de transparence.
En effet, si les experts ayant travaillé pour le CIRC sont connus, ceux ayant participé à l’expertise européenne sont pour la plupart impossibles à identifier.

N’y aurait-il pas des conflits d’intérêts entre les scientifiques et les firmes sous cet anonymat, soulèvent bon nombre d'ONG ?

Certains rétorquent que les experts du CIRC peuvent, de leur côté, être de chemise avec des ONG environnementales. Effectivement, transparence ne signifie pas neutralité.

 

Pourquoi la Commission rechigne à trancher ?
Depuis le début de "l’affaire glyphosate", la Commission européenne s’est rangée à l’avis de l’EFSA. Elle proposait donc aux États membres de renouveler le glyphosate pour une période classique de 15 ans. Ne pouvant pas dégager de majorité absolue auprès des États membres, la Commission a revu sa copie en proposant une autorisation de 9 ans.
Vendredi dernier, on apprenait de diverses sources que la Commission pourrait désormais mettre sur la table une prolongation provisoire d’un an ou jusqu’à fin 2017, afin de donner le temps de disposer de davantage de données scientifiques avant un véritable renouvellement de l’autorisation.
Si cette proposition est rejetée par les pays européens, le glyphosate ne sera plus autorisé dans l’UE et les 28 États membres devront retirer les autorisations de tous les produits à base de glyphosate à partir de la fin juin 2016.
La prochaine réunion du comité regroupant des experts scientifiques et les représentants des États membres, prévue le 6 juin, pourrait apporter le verdict final si une majorité se détache.  

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