Les protéases pourraient être une alternative à la bentonite

Les vins blancs et rosés sont les plus sensibles aux casses protéiques. L’utilisation des enzymes protéases, par l’hydrolyse des protéines, pourrait limiter ce phénomène. Photo : L. Theeten/Pixel Image

L’utilisation des enzymes en œnologie est en constante progression pour la clarification, l’extraction, la macération ou l’amélioration de la filtrabilité. Dans les années à venir, les enzymes pourraient être une solution pour assurer la stabilité protéique des vins.

L’utilisation des enzymes en œnologie est de plus en plus courante. Elles réagissent avec les composés du raisin et du vin et permettent d’amplifier et d’accélérer les phénomènes recherchés par les vinificateurs. Certaines enzymes sont naturellement présentes dans le raisin. Les levures et micro-organismes de la baie produisent également des enzymes dans leur espace periplasmatique et dans le milieu. Pourtant, les enzymes présentes dans la flore du raisin tolèrent mal les conditions de vinification : les basses températures et le pH du mout limitent leurs activités. Elles sont inhibées par les teneurs élevées en glucose, par l’alcool, le SO2 ou encore les tanins des vins rouges. En réponse, les fournisseurs proposent des solutions enzymatiques adaptées aux vinifications avec un grand nombre d’activités et d’applications. Les enzymes pectolytiques sont les plus répandus, mais un certain nombre d’autres activités sont autorisées : beta-glycosidases, beta-glucanases, hemicellulosique.

À chaque famille d’enzymes son action sur les composés du raisin et du vin

Les enzymes pectolytiques dégradent les polysaccharides pectiques constituant la paroi des cellules végétales. Elles optimisent ainsi l’extraction des composés des baies de raisins, améliorent le pressurage et facilitent la clarification.

Les enzymes à activité glycosidases permettent de libérer les molécules types terpènes dont la forme précurseur est liée à des glycosides.

Les bêta-glucanases dégradent les glucanes produits par botrytis. Les enzymes utilisées en œnologie et proposées par les fournisseurs sont majoritairement des cocktails multi-activités, permettant des applications multiples et diverses : extraction, clarification, macération, filtrabilité…

Une enzyme est une protéine qui permet de catalyser, c’est-à-dire d’accélérer les réactions chimiques. Elles possèdent des « sites actifs » sur lesquels se fixent des substrats qui vont pouvoir se transformer en produits. L’activité enzymatique peut être résumée par le concept : enzyme + substrat = produit.

Les enzymes œnologiques sont étroitement encadrées par la législation. Dans la gamme d’activités enzymatiques autorisées par l’OIV, les protéases pourraient bien faire leur apparition dans les prochaines années pour agir sur la stabilité protéique des vins blancs et rosés. Sur ce sujet, le projet Oenotropic a été récompensé par le trophée « Œnovation » lors du Vinitech Sifel de 2016 pour sa solution d’enzymes protéases issues des plantes exotiques de l’île de La Réunion.

Les protéases, une alternative à la bentonite

« Les protéases nous intéressent beaucoup car elles représentent une alternative sérieuse à l’utilisation de la bentonite », explique Sacha Baudoin, responsable du projet Oenotropic. En effet, les protéines des vins blancs sont susceptibles d’occasionner les phénomènes de casses protéiques engendrant un dépôt blanc peut attrayant pour les consommateurs. Pour maîtriser ce risque, la bentonite reste l’intrant privilégié aujourd’hui en cave. Sacha Baudoin et l’Inra de Montpellier ont réussi à mettre au point une alternative sérieuse à la bentonite via l’activité protéases des enzymes.

Ce n’était pourtant pas gagné : « Dans la littérature, beaucoup de travaux sur ce sujet ont été menés. Cependant, l’hydrolyse des protéines du vin est très difficile et peu d’enzymes sont capables de le faire. L’extrait enzymatique que nous avons développé résulte d’un mélange de différentes plantes et valorise les ressources végétales tropicales. Le concept de l’hydrolyse des protéines du vin est désormais établi, assure Sacha Baudoin. Nous l’avons testé sur différents cépages en micro-vinification et en conditions industrielles. C’est un procédé qui est viable, que ce soit sur la production de l’extrait comme sur son utilisation, d’un point de vue pratique et économique. »

Le sujet semble prometteur et Oenotropic n’est pas seul à s’y intéresser. En France, en Afrique du Sud et en Australie, de nombreux essais sont menés avec des souches de protéases différentes. Selon Marie-Madeleine Caillet, œnologue et membre de la commission technique à l’OIV, « différentes protéases sont testées en ce moment et pas seulement des protéases de fruits exotiques ».

Les protéases autorisées par l’OIV d’ici 2019 ?

Cependant, il ne s’agit pas de valider un concept pour le voir arriver en cave. Reste encore à obtenir l’autorisation de l’OIV qui a ouvert une étude sur ce sujet.

« Les premiers rapports d’expérimentations ont été présentés à l’OIV en 2016. Nous attendons encore des résultats d’expérimentations qui doivent nous être présentés cette année », explique Marie-Madeleine Caillet.

Cette dernière insiste : « Les protéases ne sont pas encore autorisées par l’OIV. La partie application commence seulement. La partie caractérisation des protéases n’a pas débuté. Pour l’instant, nous attendons plus d’informations. »

Mais le dossier est bien ouvert et les protéases sont à l’étude pour une éventuelle homologation. L’étude suit donc son cours habituel, forcément un peu long, pour s’assurer que ce potentiel nouvel intrant œnologique ne présente aucun risque pour le consommateur : « Pour toutes homologations, il y a un volet important sur la santé et la sécurité. Il est bien entendu que nous ne devons pas retrouver ces protéases de façon active dans les vins. Le procédé doit donc assurer un risque zéro. Nous allons devoir vérifier que leur utilisation ne représente pas un risque et que les enzymes protéases ne perdurent pas dans le produit », nuance Marie-Madeleine Caillet.

Alors, dans quel délai les vinificateurs peuvent-ils espérer se voir proposer cette alternative à la bentonite ? « Il y a un délai de trois ans minimum d’étude à l’OIV, qui peut être plus long si on a des questions niveau santé, sécurité. » Encore un peu de patience donc.

Article paru dans Viti Leaders n°424 d'avril 2017

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