Les levures, outil de pilotage des thiols

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Les thiols variétaux sont des molécules aromatiques caractéristiques du sauvignon blanc. Elles sont produites à partir de précurseurs présents dans le raisin grâce à l’action des levures. Ces dernières représentent un levier d’action important pour le vigneron.

Alors que le vin subit quelques difficultés sur le marché mondial, les vins blancs de sauvignon sortent leur épingle du jeu. La raison ? Un profil aromatique expressif, qui tout en lui étant spécifique, présente une belle variété : agrumes, fruits de la passion, fruits exotiques, minéralité, buis, bourgeon de cassis. Ces descripteurs sensoriels sont attribués aux thiols, famille de molécules aromatiques connue, étudiée, valorisée et incontestablement à la mode. Trois molécules aromatiques contribuent principalement à cette expression dans les vins :
• 4-MMP : le 4-Mercapto-4-méthyl-pentan-2-one, reconnaissable par ces arômes de buis et de genêts ;
• 3-MH : le 3-Mercapto-hexan-1-ol, responsable d’arômes de pamplemousse et de fruits de la passion ;
• 3-MHA : l’acétate du 3-Mercapto-hexile, apporte des arômes fermentaires de fruits de la passion.
Les thiols sont des arômes variétaux, issus directement des raisins et dont certains cépages sont particulièrement fournis. En haut de la liste : le sauvignon blanc, le colombard, le gros manseng. En moindre quantité, ils sont aussi présents dans les raisins de petit manseng, dans la syrah ou encore dans le merlot.
Thierry Dufourq, ingénieur agronome et œnologue à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) confirme l’intérêt croissant pour les thiols parmi les professionnels du vin : « On voit aujourd’hui apparaître une tendance à révéler une certaine proportion de thiols dans de nombreux vins, non exubérante mais qui va contribuer à la fraîcheur aromatique. »

Il y a un fort potentiel de production de thiols dans les raisins

Dans les raisins, les thiols sont sous forme de précurseurs non odorants. Durant la fermentation, l’action des levures va permettre l’hydrolyse de ces molécules et la libération des thiols sous leur forme libre, volatile et aromatique. « Pour certains cépages, la quantité des précurseurs des thiols dans le moût est surabondante par rapport à la proportion de thiols in fine dans le vin. Nous pouvons mesurer des concentrations de l’ordre d’une centaine de microgramme de précurseurs dans les moûts. Dans les vins, nous retrouvons seulement quelques microgrammes de thiols. Il y a un facteur 100 entre la concentration de précurseurs dans les moûts et celles des thiols dans les vins », souligne Thierry Dufourq.
Le potentiel de production de thiols existe bel et bien et leur valorisation appartient en partie au vinificateur. Dans le procédé de vinification, les levures sont une étape indispensable : moteur de la fermentation et centre de production des thiols. Thierry Dufourq a beaucoup étudié leurs actions et il est affirmatif : « Il est indéniable que la souche de levure aide à optimiser les thiols. Beaucoup de travaux de sélection des levures ont été faits pour favoriser l’expression thiols des vins. Si l’on veut typer les vins sur des arômes thiols, le choix de ces souches s’impose. Pour autant, cette étape est nécessaire mais pas suffisante. La production de thiols s’inscrit dans une démarche globale, de la vigne à la bouteille. »
Tous les professionnels du vin se sont emparés du dossier thiols. Des laboratoires de recherche, en passant par les fournisseurs jusque dans les caves, plusieurs souches de levures ont été sélectionnées.

Face à une offre pléthorique, comment choisir sa levure ?

Chaque année, de nouveaux produits font leur apparition dans les catalogues. Au risque de rendre l’offre incompréhensible et illisible. Comment le vinificateur peut-il faire son choix ? « Grâce aux essais de comparaison des souches de levures, nous savons que certaines marchent mieux sur une matrice donnée, alors que d’autres souches vont se révéler sur une matrice différente. De fait, il est difficile de hiérarchiser les souches entre elles. Il est également difficile de leur donner un sens : telle souche est mieux adaptée à tel cépage », nous explique Thierry Dufourq.
Malgré tout, réfléchir son choix est possible, car les levures pour les thiols présentent bien des différences entre elles. « Suivant le profil de vins recherché, le vinificateur peut porter son choix sur une levure qui fermente très fort et très vite, ou à l’inverse, qui ralentit sur la fin de la fermentation. Une levure qui produit plus d’esters, ou plus de végétaux frais. Certaines souches métabolisent plus d’acidité volatile : certains vinificateurs vont les éviter, d’autres vont les rechercher pour donner aux vins un support d’arômes », constate l’ingénieur et œnologue.
Le choix peut aussi se faire sur des critères associés : le degré potentiel plus ou moins élevé du moût ou les besoins en azote. Toutes ces informations sont mises à disposition par le fournisseur.
Le choix peut sembler compliqué, mais Thierry Dufourq se veut rassurant : « Certes, il y a des souches de levures plus adaptées que d’autres à une matrice donnée. Pour autant, les souches sélectionnées par les fabricants pour faire des thiols, font des thiols. » En outre, les levures ne sont qu’une étape dans la révélation des thiols. Et le sujet reste encore très complexe.

« Si l’on veut typer les vins sur des arômes thiols, il faut sélectionner sa souche de levure en conséquence. » Thierry Dufourq, IFV.

Innovation : la co-inoculation avec des levures non saccharomyces
Alors que les levures proposées par les fournisseurs de produits œnologiques sont de type saccharomyces, dernièrement, des levures non-saccharomyces font leur entrée sur le marché. Des essais concluants ont été réalisés sur des levures de type Metschnikowia ou Torulaspora. Selon Thierry Dufourq : « Les résultats sont intéressants. Les centres de recherches s’y intéressent et montrent l’intérêt de ces levures dans la révélation des thiols variétaux. »
Ces levures sont utilisées en co-inoculation séquentielle, quelques heures seulement avant l’inoculation de la levure de fermentation. Elles permettraient de libérer les thiols avant même d’entamer le processus de fermentation en jouant sur les phases de latence et/ou en favorisant de nouvelles réactions métaboliques.
Recherche : le mystère des thiols
« Nous pensions avoir compris le mécanisme de formation des thiols. C’était relativement simple: des précurseurs dans les raisins, l’action des levures puis l’obtention des molécules aromatiques thiolées », se rappelle Thierry Dufourq. Or, le dossier thiols et en réalité beaucoup plus complexe. « Nous avons continué les recherches et nous avons identifié de nouveaux précurseurs et de nouvelles voies métaboliques ». Il y a quelques années, les précurseurs n’étaient connus que sous forme cystéinilée. Puis sont apparus des précurseurs liés au glutathion et il existerait aussi des précurseurs conjugués avec des peptides. Plus récemment, une nouvelle voie métabolique utilisant l’hexenal a été mise en évidence. Face à ces nouvelles données, le mystère subsiste : « il y a quand même un flou entre ce qu’on identifie comme des précurseurs des thiols et les thiols dans les vins », souligne l’ingénieur.

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