Fini le soufre ajouté dans les vins ?

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L’utilisation des sulfites dans les vins est en chute libre et les vins sans sulfites ajoutés ont meilleure presse qu’auparavant. Un phénomène aux causes multiples qui n’est pas près de s’essouffler, d’après les professionnels.

«Il y a une très forte progression des vins sans sulfites ajoutés car beaucoup de vignerons se sont aperçus qu’il était assez facile de se passer du SO2 pendant les vinifications », souligne Stéphane Becquet, agronome et vinificateur à l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab). Un constat amplement partagé par les observateurs de la filière du vin et qui trouve son explication parmi plusieurs facteurs.

Guillaume Valli, œnologue consultant à l’Institut coopératif du vin. © ICV
La volonté de réduire le soufre dans le vin a d’abord concerné les filières dites « alternatives » : les vins biologiques, en biodynamie, nature et certains consommateurs de niche à la recherche de produits « sains » et « sans ». Puis, le phénomène s’est étendu : « Le changement date d’il y a cinq ans environ, lorsque des metteurs en marché ont commencé à s’intéresser aux vins sans sulfites », explique Guillaume Valli, œnologue consultant à l’Institut coopératif du vin (ICV), à Beaumes-de-Venise.

Pourquoi ce soudain intérêt, parmi les plus conventionnels, pour le vin sans SO2 ? Bien entendu, la forte demande du marché oblige les producteurs et les distributeurs à revoir leur copie. En parallèle, les avancés techniques ont aussi permis aux vinificateurs de se lancer dans l’aventure du sans sulfites avec plus de confiance. « Le souhait de proposer quelque chose de nouveau est un facteur intéressant, remarque Guillaume Valli, car lorsque le vin sans sulfites est réussi, il exprime un profil fruité intense et la sensation d’être sur des vins proches des vinifications. »

Défis techniques

Si la progression des vins sans sulfites ajoutés est sans appel, elle concerne encore majoritairement les vins rouges pour lesquels la technicité est moins importante. « C’est plus compliqué de produire des vins blancs sans sulfites dans le Bordelais, car nous travaillons des cépages avec des précurseurs aromatiques qui sont très sensibles à l’oxydation », juge Stéphane Becquet. Quant au bassin méridional, il se heurte à des manques d’acidité qui fragilisent les cépages blancs : « Nous avons souvent des problèmes sur les vins blancs sans sulfites avec des dérives d’éthanal ou des goûts de souris. C’est relativement compliqué même si certains y parviennent en mettant en place des contraintes techniques, témoigne Guillaume Valli. Sur vins blancs et rosés, se pose aussi la question de conduire, ou non, la fermentation malolactique. Si elle n’est pas réalisée, il y a de gros risques qu’elle se déclenche spontanément ; et si elle est réalisée, l’impact organoleptique n’est pas neutre, notamment sur la fraîcheur des vins », ajoute-t-il.

Sans sulfites ajoutés pendant la vinification

« Souvent, le premier pas est de s’affranchir du SO2 pendant les vinifications. L’étape suivante, plus délicate, et moins courante, est l’élevage et la mise en bouteille sans sulfites », remarque Guillaume Valli. En effet, si les vignerons arrivent aujourd’hui à bien maîtriser les vinifications sans sulfites, ils hésitent encore à augmenter la prise de risque microbiologique lors de la conservation et de la mise en bouteille. Pourtant, Stéphane Becquet note que certains vignerons se lancent dans les élevages sans sulfites avec succès : « Cela nécessite une très bonne gestion des gaz et des chais thermorégulés qui permettent de tenir les vins blancs à 10 °C. » Même constat pour Guillaume Valli : « Certains vins sans sulfites ajoutés ont des potentiels de garde intéressants lorsque tout le processus est bien réalisé et maîtrisé. »

Les cuves thermorégulées sont essentielles dans l’élaboration des vins sans sulfites ajoutés. © Manon Mouly

Respect des fondamentaux

« La clé des vinifications sans sulfites, c’est la maîtrise des températures et un bon levurage », résume Stéphane Becquet. Que ce soit avec des levures sèches actives (LSA), avec des pieds de cuve ou avec des inoculations précoces, il faut faire en sorte d’avoir un départ en fermentation franc et rapide.  Pour Guillaume Valli, la maîtrise doit être globale : « La gestion des températures fait partie des fondamentaux. Il faut aussi récolter le raisin à bonne maturité et avoir une bonne gestion de son hygiène de chai. »

Au vu de la tendance, les perspectives pour le soufre dans les caves semblent restreintes. « Son intérêt dans l’élaboration des vins rouges est réellement remis en cause », souligne Stéphane Becquet, qui relativise néanmoins, « la question se pose pour les vins de garde. Certains vins sans sulfites ont l’air de bien se garder s’ils sont construits correctement au niveau des gaz, mais la prise de risque est peut-être moins importante avec du SO2 au moment de la mise en bouteille. Il ne faut pas vouloir se passer complètement du soufre. À petite dose, ce n’est pas si mal non plus. »

Quoi qu’il en soit, le phénomène des vins sans sulfites ajoutés soulève des questions pertinentes selon Guillaume Valli : « La volonté de réduire ou d’éliminer le soufre a permis de remettre en cause des pratiques habituelles et d’aller vers une meilleure connaissance du mode de fonctionnement général de la cave. Pour beaucoup de vignerons, cela a abouti à une diminution du SO2 durant les phases pré-fermentaires, à mieux choisir sa souche de levure, à travailler avec l’inertage, à laisser les vins sur lies pour garder un côté réducteur et à faire des transferts soignés. »

 

Viti 446 octobre 2019

Article paru dans Viti 446 d'octobre 2019

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