Comment corriger l’acidité des vins ?

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Le millésime 2018 a confirmé la tendance : les acidités sont de plus en plus faibles à la récolte. À tel point que dans certaines régions viticoles du sud de la France, l’acidification est devenue une pratique œnologique courante.

«Depuis l’année 2000, nous observons une baisse des acidités dans les moûts en parallèle de l’augmentation de la maturité », témoigne Stéphane Yerle, consultant viti-oeno et vigneron à Saint-Chinian. Une problématique multifactorielle qui s’explique autant par le changement climatique que par les choix culturaux des dernières années : « Nous avons laissé de côté des cépages qui avaient des acidités marquées, comme le carignan dans le Languedoc, et nous avons favorisé la syrah et le grenache, qui sont des cépages moins acides », constate l’œnologue.

Les vinificateurs mettent donc en place des stratégies d’acidification des vins blancs et rosés. Stratégies qui se sont complexifiées, ces dernières années, avec la multiplication des techniques et des outils.

Tartrique, malique ou lactique ?

L’acide tartrique, l’acide malique et l’acide lactique sont les principaux acides employés pour corriger l’acidité des vins blancs et rosés. Utilisé précocement, l’acide tartrique précipite le potassium et permet de diminuer le pH. « Lorsqu’il est ajouté à l’encuvage, l’acide tartrique n’induit pas l’effet durcissant qu’on lui attribue sur vins », souligne Stéphane Yerle. L’acidification durant les phases fermentaires à l’acide lactique présente également beaucoup d’intérêt, car « l’acide lactique a un côté rondouillet que l’on peut chercher sur les rosés ou sur les chardonnays », souligne l’œnologue. Quant à l’acide malique, il apporte un effet rafraîchissant sur les rosés, légèrement vert sur des profils plutôt réducteurs et les cépages thiolés.

Outre le profil sensoriel, le vinificateur réfléchit aussi à sa stratégie d’acidification en fonction de sa matrice. « Avant toute chose, le vinificateur doit évaluer s’il a un problème d’acidité totale ou de pH », conseille l’œnologue consultant. En effet, l’acide tartrique a pour fonction première de faire précipiter le potassium en excès. Car le potassium salifie et neutralise donc les principaux acides : une teneur élevée en potassium implique un pH haut. De plus en plus de vinificateurs s’orientent vers des « pools d’acidification », en associant l’acide tartrique avec de l’acide malique ou de l’acide lactique, des acides plus stables et permettant de jouer sur tous les leviers de l’acidité du vin. « L’association tartrique et malique s’utilise pour des profils de vins blancs et rosés frais. Alors que l’association tartrique et lactique est plutôt conseillée pour des profils de vins blancs et rosés ronds et terpéniques », souligne Stéphane Yerle. 

Neutralité sensorielle des techniques membranaires

L’acidification par des procédés physiques, comme l’électrodialyse bipolaire ou la résine échangeuse d’ions, est moins courante mais, avec l’augmentation des prix de l’acide tartrique, elle intéresse de plus en plus les vinificateurs. « Le principe de l’acidification par électrodialyse est d’acidifier un vin en continu, avec un contrôle en ligne du pH », explique Delphine Bouissou, responsable du projet à l’Inra. Les membranes permettent une extraction des ions potassium du vin, remplacés par des ions H+ pour assurer un équilibre ionique, avec comme résultante, une baisse du pH. « Les débits de traitement vont de 15 hl/h à 30 hl/h », souligne Delphine Bouissou. L’avantage de ces techniques est le suivi précis grâce à un pH mètre étalonné. Néanmoins, les techniques membranaires nécessitent des vins et des moûts suffisamment clarifiés pour bien fonctionner.

Malgré tout, « ce sont les techniques plus respectueuses du produit, juge Stéphane Yerle, car elles n’ont aucun impact sensoriel sur le vin ».

Une levure qui acidifie

Certains vinificateurs, dont Stéphane Yerle, préfèrent l’utilisation de la levure de bioprotection Concerto®, de chez Hansen, pour augmenter l’acidité des vins rosés, car elle produit de l’acide lactique : « Si je la laisse fonctionner au minimum 48 h, voire 72 h, elle peut produire jusqu’à 2 g/l d’acide lactique », souligne Stéphane Yerle. Les levures Concerto® ne sont pas des levures de fermentation. Elles sont utilisées durant une phase préfermentaire, sans sulfite, et ne dépassent pas les 8 %. Cette technique nécessite donc d’inoculer ensuite une deuxième levure de fermentation. Mais pour Stéphane Yerle, les avantages sont nombreux : « Elles amènent un profil rafraîchissant aux vins rosés et produisent également beaucoup d’esters qui participent aux arômes très prononcés de fruits rouges. »

Corriger l’acidité pour permettre une bonne fermentation

Agir le plus tôt possible pour rectifier l’acidité permet également de favoriser le bon déroulement de la phase fermentaire. « Pour un vin blanc ou rosé, le pH idéal est de 3,3 environ, avant de débuter la fermentation », souligne Stéphane Yerle. 

En effet, un pH faible est nécessaire pour assurer la stabilité microbiologique du moût et éviter les risques de contamination. En outre, un vin qui manque d’acidité perd en capacité de vieillissement et de conservation. Sans compter que le SO2 est plus efficace à un pH 3.3.

Réglementation
Les membranes refusées en bio

« Les traitements électro-membranaires et les échangeurs de cations définis comme technologie d’acidification sont interdits en bio », souligne Valérie Pladeau, chargée de mission œnologie chez Sudvinbio. Seuls l’acide tartrique et l’acide malique sont autorisés dans le règlement bio européen. Démeter – label de la biodynamie – n’autorise que l’acide tartrique, sur dérogation, et dans une limite maximale de 1,5 g/l.

Vignes
Privilégier les jeunes feuilles pour conserver l’acidité

Cela peut sembler évident mais mérite d’être relevé : avant même l’intervention œnologique, le vigneron peut corriger l’acidité des jus par le travail de la vigne. « Il en va autant du mode de travail du sol que de la conduite de culture et de la date de récolte », analyse Stéphane Yerle. Certaines pratiques sont à proscrire pour maintenir une acidité suffisante dans les raisins : l’utilisation de fumure potassique, responsable d’une augmentation du potassium, ou l’azote minéral occasionnent des augmentations de pH. À l’inverse, le décavaillonnage, par la destruction des racines superficielles, permet de diminuer significativement le pH des raisins, car ces racines sont responsables de l’assimilation cationique. « Mon mot d’ordre, c’est de conserver le plus possible d’acide malique à la récolte », témoigne le vigneron languedocien. Pour cela, Stéphane Yerle privilégie les jeunes feuilles. « Ce sont les jeunes feuilles émettrices de moins de 60 jours qui produisent l’acide malique. » Leur rôle dans l’acidité n’est pas encore bien connu. Preuve que le sujet de l’acidification reste encore à creuser. 

Acide tartrique
Instabilité économique du tartrique

L’acide tartrique est souvent l’intrant privilégié pour acidifier les moûts. De fait, il bénéficie d’une mise en œuvre extrêmement simple et, pendant longtemps, d’un coût financier relativement bas. Mais l’année 2018 a compliqué la problématique : en raison d’une production faible en 2017, les prix de l’acide tartrique ont flambé, modifiant son impact financier. « Il est tombé à moitié prix en 2019 de ce qu’il était en 2018 », note Stéphane Yerle. Mais les conséquences sont importantes : « Il va être plus difficile d’établir une logique d’acidification purement économique, puisqu’elle va être influencé par des facteurs conjecturels », explique l’œnologue.

Article paru dans Viti 444 de juillet

-août 2019

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