Traction animale au vignoble : des outils qui s’adaptent aux problématiques actuelles

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Si le matériel disponible pour effectuer de la traction animale existe depuis de nombreuses décennies, une poignée de constructeurs en France travaillent d’arrache-pied pour continuer à développer des outils toujours plus modernes. Interview croisée de Bernard Michon, gérant d’Hippomobile, et Thomas Duguy, gérant de la société de prestation Muletier Services.

Est-il possible d’intervenir dans tous les vignobles en traction animale ?

Bernard Michon : Notre gamme d’outils de travail du sol couvre une large diversité d’utilisations. Nous proposons des outils conçus pour des vignes allant de 90 cm à 2,5 m, mais principalement pour travailler sous le rang. Donc oui, il est possible d’intervenir dans quasiment tous les types de vignoble en traction animale, seule la pente est un facteur limitant.

Il est important de bien adapter l’outil à son terroir, de connaître la consistance du terrain et de choisir le matériel en fonction des capacités de traction de l'animal et de la mission. Tout doit être pris en compte pour la conception et la fabrication, chaque détail compte. Une variation de quelques degrés sur l’angle d’attaque d’une dent pourra avoir d’énormes conséquences en matière de besoin de traction et de tenue de la charrue.

Thomas Duguy : J’interviens dans deux régions totalement différentes depuis une dizaine d’années, dans le Bordelais et en Savoie. Et, en effet, avec le relief, certains outils ne sont plus adaptés, surtout dès que l’on arrive dans des dévers importants.

L'ergonomie, le confort, la simplicité d’utilisation et la réduction du poids sont au cœur des problématiques lors du développement d'outils pour Bernard Michon. Photo : Bernard Michon Hippomobile
Peut-on imaginer faire tous les travaux d’un vignoble en traction animale ?

B.M. : En grande partie, oui ! En travail du sol notamment, la palette d’outils disponibles pour réaliser les différentes interventions est relativement large. Il est possible de faire du buttage, du binage, du décavaillonage, etc. Toutes ces interventions sont réalisables sans problèmes. Bien entendu, nous allons adapter le travail aux capacités de l’animal. Le travail ne sera pas aussi profond qu’avec un tracteur, mais cela n’est pas dérangeant en fin de compte : les racines superficielles étant coupées, la vigne plonge ses racines en profondeur et, de fait, craint moins la sécheresse. Toutes ces interventions sont basiques en gestion de l'enherbement et pour la revitalisation du biotope.

T.D. : Les applications qui peuvent poser problème concernent principalement la pulvérisation, qui est délicate en traction animale. En effet, les créneaux d’intervention sont très courts. Et comme bien souvent la traction animale est déléguée à un prestataire, celui-ci ne peut pas toujours être ultra-réactif. Sinon, j’estime que toutes les opérations faisables en conduite dite "traditionnelle" sont duplicables en traction animale. Des recherches sont en cours pour équiper les outils tractés par l’animal d’un moteur additionnel, pour agrandir la gamme des travaux possibles.

Justement, quelles ont été les évolutions des outils durant ces dernières années ?

T.D. : J’ai personnellement aidé au développement d’un enjambeur qui permettait de travailler deux demi-rangs à la fois, pour gagner du temps. Mais, finalement, je n’utilise plus cet outil pour deux raisons. Dans le premier grand cru classé où je travaille, à Bordeaux, la demande est un peu particulière car il s’agit d’une très vieille vigne, très basse et tordue. L’objectif est d’intervenir avec le plus de précision possible, donc l’enjambeur n’était pas particulièrement adapté. Et en Savoie, le travail en dévers m’oblige à revenir sur un demi-rang, là aussi pour gagner en précision. Je suis donc revenu à des outils totalement traditionnels, qui fonctionnent très bien, mais qui ont un défaut : il est de plus en plus difficile de trouver des pièces d’usure.

B.M. : Je travaille énormément sur l'ergonomie, le confort, la simplicité d’utilisation et la réduction du poids. Ainsi, nos outils sont dotés de mancherons réglables en hauteur et déport latéral pour s’adapter à la morphologie des utilisatrices et des utilisateurs. Cela évite d'avoir à lever haut les bras lors des manœuvres en bout de rang quand l’outil est hors-sol. Les mancherons sont en bois de frêne à poignées cintrées ou tournées, pour le confort de tenue, la légèreté et la flexibilité. Le contact pour le meneur est plus agréable, les vibrations sont amorties. De plus, ils sont repliables pour minimiser l'encombrement lors du rangement. Les pièces d'usure existent dans le commerce. Ce sont des petits détails, mais qui, cumulés, font la différence.

Enfin, où en est-on dans le développement d’outils animés ?

T.D. : Comme je le disais précédemment, des recherches sont en cours. Ce qui serait pertinent serait de développer un porte-outil recevant une tondeuse à moteur thermique par exemple, pour gérer l’enherbement de l’interrang tout en réalisant un travail du sol sous le rang. On pourrait également imaginer de petits moteurs hydrauliques indépendants pour animer une rogneuse. Je pense que tout cela arrivera dans les prochaines années.

B.M. : Techniquement, tout ceci est réalisable. J’ai eu l’occasion d'aller chez les Amish, dans l'Ohio, il y a quelques années. Les agriculteurs conservent les savoir-faire et technologies en traction animale car leur mode de vie leur interdit tout déplacement par véhicule motorisé. En revanche, ils utilisent souvent des moteurs auxiliaires pour animer des matériels que l’on retrouve sur une exploitation agricole mécanisée. Là-bas, il est possible de croiser des attelées de plusieurs chevaux tirant un round-baller ou rotovator, entre autres. Donc, élaborer des outils viticoles animés par de petits moteurs est réalisable, l'énergie cheval assurant le déplacement, mais ceci seulement en plaine ou dans des zones de faible déclivité.

La traction animale constitue un marché de niche, et, par conséquent, il n'y a que peu de recherche et développement dans ce domaine, sauf par quelques rares passionnés ou utilisateurs bricoleurs faute de rentabilité, et il n'y a pas d'aide pour financer les études et prototypes. Il est donc difficile d'en vivre et d'autofinancer, sans compter les "autoconstructions" ou "contrefaçons" qui pénalisent l'amortissement desdites recherches pour leurs auteurs qui produisent en petite série et de manière artisanale.

En chiffres : respecter les capacités de l’animal
Pour Bernard Michon, « un percheron de 3 ans développe l’équivalent d’un moteur de 28 ch en matière de traction. Il faut donc être vigilant sur de nombreux paramètres, comme la vitesse de travail et la profondeur. En effet, la quantité d’énergie nécessaire pour effectuer un effort se calcule en multipliant la masse par la vitesse au carré. Ainsi, plus on va vouloir bouger de terre, plus cela va être compliqué pour l’animal, et il va donc falloir jouer sur la vitesse d’avancement, jusqu’à une certaine limite ».

 

Article paru dans Viti Leaders de janvier 2022

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