Le Havre, un port viticole en Normandie

Avec l’incoterm Ex-works, ultra-répandu dans la filière, le producteur ne gère pas la logistique d’acheminement. Il peut donc être surprenant d’apprendre que la Normandie est une région hautement stratégique pour l’export des vins et des spiritueux. C’est en effet au départ du port du Havre qu’une bonne partie des bouteilles expédiées de France vers l’étranger prend la mer.

Quelles sont loin, les vignes du port du Havre ! Par la route, comptez 350 km pour rejoindre Reims et peu ou prou la même distance pour apercevoir le vignoble tourangeau. Pourtant, depuis 2014, plus d’un milliard de bouteilles de vin et de spiritueux transitent chaque année depuis le port normand. Sur le dernier exercice, un record a même été battu avec un milliard cent millions de bouteilles. « L’activité du port du Havre sur le transport de vins et de spiritueux a une croissance qui suit celle des exportations françaises, introduit Bruno Le Gurun, responsable grands comptes au sein d’Haropa, l’alliance du port maritime du Havre, du port maritime de Rouen et du port autonome de Paris. De plus en plus de bouteilles partent vers l’export, et particulièrement vers le grand export. Ainsi, la principale destination des bateaux chargés de V & S au Havre est les États-Unis. Plus d’un tiers des bouteilles que l’on expédie y part. La seconde place revient à la Chine (7 %), puis on retrouve le Canada (6 %), le Japon (5 %) et Singapour (5 %). »

Ce top 5 ressemble à s’y méprendre au classement des principaux pays tiers importateurs de vins français. Pourtant, du port du Havre, la catégorie la plus expédiée n’est pas celle du vin… Les spiritueux font la course en tête avec 65 % des volumes expédiés en 2017. « La ligne de ferroviaire Cognac - Le Havre fonctionne très bien. Avec cinq allers-retours par semaine, elle est même saturée, constate Bruno Le Gurun. D’autres boissons sont particulièrement surreprésentées sur le port du Havre. Je pense par exemple au champagne. 98 % des bouteilles destinées au grand export passent par ici. Plusieurs raisons à cela : la qualité des services développés par Haropa, les facilités douanières, le fait que nous touchions 700 ports dans le monde, le transit-time court vers l’Amérique du Nord et la proximité géographique. Car dans le transport, ce qui coûte cher c’est la partie terrestre. Donc, logiquement, les vins produits dans l’Ouest et le Nord de la France partiront plus facilement du Havre que de Fos - Marseille, l’autre gros ensemble portuaire français capable de gérer des liaisons vers le grand export. »

Une demande croissante pour des conteneurs réfrigérés

« Enfin, il est nécessaire d’ajouter que le port du Havre présente des caractéristiques climatiques idéales pour le stockage transitoire des vins et des spiritueux. Ici, les hivers sont doux et les étés sont frais. Cette question des températures est d’ailleurs une préoccupation de plus en plus importante en logistique. La quinzaine de commissionnaires et d’opérateurs logistiques spécialisés dans les vins et les spiritueux ont par exemple de plus en plus de demandes pour les kits isolants et les conteneurs réfrigérés à température contrôlée. Un conteneur sur dix est aujourd’hui un conteneur "reefer", et cette part va augmenter », conclut Bruno Le Gurun.

Article paru dans Viti Leaders de janvier 2019