Laisser faire la nature pour restaurer des haies

La technique à mettre en œuvre pour obtenir une haie issue de régénération naturelle est des plus simples puisqu’elle consiste à abandonner l’entretien par fauche ou broyage des surfaces. Photo : D.Bodiou/Pixel6TM

Plutôt que de planter une haie, on peut compter sur la régénération naturelle. La végétation « spontanée » qui se développe naturellement en bordure de parcelle, le long des cours d’eau et des chemins est actuellement très peu exploitée alors que son utilisation est des plus simples et des moins coûteuses.

Les arbres et les haies champêtres peuvent spontanément et facilement reconquérir des territoires. « La végétation “spontanée” qui se développe naturellement en bordure de parcelle, le long des cours d’eau et des chemins, est souvent qualifiée “d’ordinaire” ou de “banale”. C’est pourtant un gisement précieux, trop souvent sous-estimé et mal considéré, affirme Bruno Sirven, chef de projets chez Arbre et Paysage 32 (1). La nature est généreuse : la banque de graines et la biomasse qu’elle met à disposition sont à l’heure actuelle très peu valorisées et exploitées alors que leur utilisation est des plus simples, des plus adaptées, et des moins coûteuses. »


Pour le technicien, une haie issue de régénération naturelle présente de nombreux atouts. Elle est gratuite en énergie, en travail (de préparation du sol, de récolte et de fabrication de plants), elle est facile à gérer et à conduire, et représente un véritable réservoir de biodiversité.

« Elle est aussi techniquement fiable car naturellement adaptée au contexte local et aux contraintes du milieu. En effet, la nature fait son travail de sélection : les végétaux s’implantent durablement, avec 100 % de réussite. Et sur le plan génétique, il y a plus de chances qu’ils soient les mieux adaptés aux conditions naturelles et les mieux préparés au changement climatique. »

L’avantage est aussi économique : « Les haies issues de régénération naturelle, surfaces agricoles non productives, ne constituent pas une charge mais un produit en représentant un gisement de biomasse, et notamment de bois, à valoriser. »

Laisser s’installer le couvert

La technique à mettre en œuvre pour obtenir une haie naturelle est des plus simples puisqu’elle consiste à abandonner l’entretien – par fauche ou broyage – des surfaces.

« Les graines et les plantes jusque-là empêchées vont alors pouvoir s’exprimer. Un couvert ligneux associé à une strate herbacée va s’installer spontanément, permettant ainsi de disposer d’une végétation arborée et arbustive et de tout le cortège floristique, faunistique et fongique qui lui est associé. »


Les surfaces et bordures « stratégiques » pouvant accueillir des ligneux sont principalement les bords de voirie (routes, chemins, dessertes…), les bords de lieux d’eau (berges et bandes tampons des fossés, ruisseaux, rivières, plans d’eau), les limites physiques et obstacles topographiques (ruptures de pente, talus, creux…) et les limites foncières (parcelle, îlot, propriété). En fonction des milieux, de la nature et du travail du sol, une haie naturelle peut s’installer plus ou moins rapidement : au bout de deux à trois ans en bordure de parcelle, plusieurs années au sein d’une parcelle.
Les premières espèces qui recolonisent les surfaces sont le plus souvent les épineux (ronce, prunellier, aubépine, ajonc…), le genêt mais aussi le chêne, le frêne, l’aulne, le cornouiller et le troène, selon les milieux. Une fois installées, ces espèces dites « pionnières » sont suivies d’autres ligneux qui vont durablement s’y établir.


« L’entretien, qui doit être géré de manière différenciée entre bords de route, de champs et de cours d’eau, doit laisser un minimum d’espace vital aux végétaux pour s’épanouir, fleurir et fructifier. Pour cela, une largeur de haie optimale de deux mètres est conseillée », conclut Bruno Sirven.

Reprendre de la vigueur

Mickaël Moreau, installé avec son épouse Céline sur une exploitation laitière en bio comptant 65 vaches, a, quant à lui mis, en place ce que l’on pourrait qualifier de régénération semi-spontanée. « J’ai repris des parcelles dans lesquelles les haies associées étaient broyées à raz. Afin de pouvoir conduire les animaux d’une parcelle à l’autre plus facilement, et proposer dans chaque pâture un moyen pour les vaches de s’abriter du vent ou du soleil, depuis 10 ans, je les laisse se développer. Des ormeaux, des chênes, des frênes, des fusains, des aubépines ont refait leur apparition. Avec nos sols acides, les genêts sont très présents par endroits. En arrêtant de broyer les pieds et en les protégeant de l’appétit des vaches, les haies reprennent de la vigueur pour atteindre désormais plus de deux mètres de haut. »

Mickaël Moreau, éleveur dans la Vienne, a repris des champs avec des haies longtemps coupées à ras.  Il les laisse désormais  se développer. Photo : O.Lévêque/Pixel6TM

Question entretien, Mickaël Moreau teste plusieurs modalités sur les 25 km de haies que compte son exploitation de 120 ha. « En hauteur, je les laisse généralement monter jusqu’à 3 ou 4 mètres. Sur certains tronçons, côté sud, je laisse pousser des chênes et des frênes pour faire de l’ombre. Ailleurs, je ne coupe pas ; la haie se développe sur toute la hauteur. »

Au moment de renouveler de vieilles haies, l’éleveur ne les fait couper que sur une partie, en prenant soin de remettre les branchages sur la coupe pour protéger les repousses des gibiers. « Ainsi, les vaches ont toujours une zone d’abri ! » remarque l’agriculteur, convaincu du bénéfice multiple de ses haies. Son exploitation a d’ailleurs servi de test pour un calcul de bilan carbone, réalisé par Vienne Agrobio.
 

(1) Structure de conseil et d’ingénierie dédiée essentiellement à l’arbre, à la haie champêtre, et à l’agroforesterie (Gers).

 

Article paru dans Viti Les Enjeux n°34 de mai 2021

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