Ils ont choisi d’être à la fois bio et Terra Vitis

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De nombreux vignerons sont à la fois certifiés Terra Vitis et agriculture biologique. Témoignages de trois exploitants engagés dans ces deux labels, qui nous expliquent les raisons de leur choix.

«Nous sommes certifiés Terra Vitis depuis 2003 », introduit Romain Frayssinet, gérant du Moulin de Lène, comportant 65 ha. Depuis mai 2019, le domaine, situé à Magalas dans l’Hérault, a racheté 18 ha de vignes en AB. « Nous avons fait une demande de dérogation à Écocert pour faire temporairement cohabiter les productions Terra Vitis et bio. Nous avons entamé la conversion en bio de 17 ha supplémentaires dès 2019, puis du reste du domaine aux vendanges 2020. L’objectif est de convertir la totalité de l’exploitation en bio, mais nous ne souhaitons pas abandonner pour autant la certification Terra Vitis, qui est un support plus global que la bio, avec une dimension sociale, économique et environnementale. C’est un label de filière à la différence de la bio. Pour moi, Terra Vitis est un socle, et la bio un bonus. Pourtant, faire cohabiter les deux n’est pas toujours évident. Car au vignoble, Terra Vitis est un label plutôt orienté sur le curatif, avec beaucoup d’observations de terrain pour justifier les interventions. Alors que la conduite bio est basée sur la prophylaxie et une approche globalement préventive. Et le souci est qu’il faut que les cahiers de charges respectifs évoluent rapidement en fonction des homologations et des nouveautés produits qui arrivent sur le marché, tant au niveau des produits de protection des cultures que des fertilisants et des biostimulants homologués.

« Pour moi, Terra Vitis est un socle et la bio un bonus », estime Romain Frayssinet, gérant du Moulin de Lène dans l’Hérault. Photo : DR
Côté traçabilité, les deux labels ont les mêmes exigences d’audit et de contrôle. La seule différence porte sur la possibilité en Terra Vitis d’utiliser quelques produits de synthèse (avec justification, nous sommes équipés d’une station météo et d’une station météo + OAD Promété) et des produits de biocontrôle pas forcément AB.

Pourquoi passer en bio ? Pour moi, c’est surtout mercantile, mais ça nous oblige malgré tout à trouver des alternatives plus pointues : le “raisonné” n’est pas valorisé au niveau de la bio. Par exemple en 2019, quand en raisonné, on vendait l’IGP Pays d’Oc en vrac à 95 euros/hl, le bio était à 220 euros/hl alors que le delta de production est de seulement 20 %. La bio est un facilitant pour la vente, c’est un label connu du grand public. Terra Vitis l’est moins malheureusement, mais c’est un label de filière, ce qui lui donne du poids quand on l’explique aux clients. C’est un label moins évident à appréhender pour le grand public, mais il y a de la valeur technique derrière, qui peut et doit être expliquée. Actuellement, nous avons deux gammes : les IGP côtes-de-thongue Terra Vitis, et les appellations languedoc en bio, chacune avec son logo sur les étiquettes. Quand nous serons en bio sur la totalité du domaine, nous apposerons les deux logos. Nous sommes aussi HVE 3 (Haute Valeur environnementale) depuis 2014 pour le volet économique, mais nous ne communiquons pas dessus. »

Des démarches complémentaires

Le Domaine du Trésor de Philippe Gayraud, situé à Ouveillan, dans l’Aude, comporte 55 ha et produit en IGP Pays d’Oc. Il est certifié Terra Vitis depuis 2018 et a démarré sa conversion vers la bio en 2019. Il est également HVE 3. « Je ne pense pas que l’on puisse aujourd’hui continuer à travailler comme par le passé. Le consommateur veut se faire plaisir avec un produit sain. Je me posais des questions et la certification Terra Vitis m’a aidé à les mettre en forme et en application. La bio est une suite logique. Quand je serai certifié AB, je compte conserver la certification Terra Vitis. Les deux démarches vont dans le même sens, elles sont complémentaires : il s’agit de l’acceptation d’une méthode de travail et des contrôles qui sécurisent le consommateur. À mon sens, toutes ces démarches (Terra Vitis, bio, HVE, etc.) vont finir par converger. Concernant les coûts de production, le prix de vente en Terra Vitis couvre à peine les frais. Par contre en AB, pour le moment, c’est rémunérateur, mais je pense qu’à terme, les différences vont se lisser. Avant je mettais tout en bouteille (300 000 bouteilles de production), mais depuis six ans, j’ai choisi de me consacrer à ce que j’aime : le travail de la vigne et du raisin, et j’ai la chance que la coopérative soit engagée en Terra Vitis et en bio. »

Dommage que les audits ne soient pas coordonnés

Les deux certifications apparaissent plutôt complémentaires. Et les deux logos peuvent être apposés sur les bouteilles.
Jean-Christophe Dumas exploite depuis quatre ans, avec sa sœur Corinne, le domaine viticole familial de 65 ha à Saint-Jean-de-Serres, dans les coteaux cévenols du Gard. 10 % de la production est vinifiée et mise en bouteille, 90 % est apportée en caves coopératives. « Nous avons démarré Terra Vitis au début de cette année, après avoir suivi la formation en 2019. Et depuis le 1er août 2020, nous avons engagé l’exploitation en conversion à la bio. Nous n’avons pas encore beaucoup de recul, mais pour moi, il n’y a pas d’opposition entre ces deux labels.

Au départ, ma réflexion était d’aller vers la bio, et le Terra Vitis n’était qu’une étape. Mais en avançant dans la connaissance de ces labels, je vois les différences. La bio bénéficie d’une grosse notoriété. Terra Vitis n’a pas le même poids commercial, mais il intègre la RSE de l’entreprise viticole, et apporte de vraies garanties sur les conditions de production, de manière plus transversale. C’est un label globalement plus pertinent. La cohabitation des deux certifications sur l’exploitation ne me paraît pas poser de gros problèmes : le recouvrement des cahiers des charges est assez important. 

Je trouve cependant dommage que les audits ne soient pas coordonnés, mais nous adaptons la traçabilité pour qu’elle réponde aux exigences des deux cahiers des charges. Et comme nous allons certainement nous engager dans la HVE, cela fera trois audits sur l’exploitation, trois demi-journées pour des choses assez similaires, mais sans formalisme commun. Chaque label a son prestataire. Seul Terra Vitis a prévu la possibilité d’être certifié HVE par le même auditeur, mais seulement pour une des deux options.

Le coût n’est pas énorme pour une exploitation de notre taille, mais ces démarches peuvent être lourdes pour de plus petites exploitations, alors qu’on attendrait d’une démarche “vertueuse” qu’elle favorise les petites structures. En ce qui me concerne, je me concentre sur la partie commercialisation, gestion et administration — nous avons bien réparti les tâches sur le domaine —, mais pour un exploitant qui fait tout seul, cela peut vite devenir une contrainte rédhibitoire. Personnellement, je trouve cependant que l’absence de visibilité sur les homologations de produits et leurs ZNT [zone de non-traitement] constituent un risque nettement plus important que les cahiers des charges des labels. Pour une exploitation comme la nôtre, où quasiment toutes les parcelles sont concernées par un cours d’eau permanent ou intermittent, le délai d’adaptation aux contraintes posées par ces ZNT sera l’aspect le plus difficile à respecter. »

Article paru dans Viti 457 de janvier 2021

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