Le vin se met au « zéro résidu de pesticides » 

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Les consommateurs soucieux de leur santé sont de plus en plus nombreux. Le label « zéro résidu de pesticides » apporte une réponse claire à leurs inquiétudes. Pour arriver à ce résultat contraignant, les producteurs engagés dans la démarche modifient leurs méthodes sans pour autant se passer des produits phytosanitaires.

Le label « zéro résidu de pesticides » (ZRP) est une démarche privée lancée en 2017 par Les Paysans du sud de la France, mieux connus sous le nom de leur marque : Rougeline. Rapidement, une vingtaine d’entreprises représentant près de 10 % de la production nationale de fruits et légumes se sont réunies autour de ce concept et ont créé le collectif Nouveaux Champs.

En à peine trois ans, le label s’est fait une place dans les rayons des supermarchés. Fort de ce succès, de plus en plus de producteurs rejoignent la démarche. Dans la filière viticole, les Vignerons de Tutiac (33) ont ouvert le bal avec une première adhésion en 2019. Désormais, d’autres structures se préparent : les Vignerons de Buzet (47), la coopérative Robert & Marcel (49), les Vignobles Tabouy (33), les Vignobles Étienne (33) et enfin Uby (32), qui va engager 2 000 hl du millésime 2020 dans le label « zéro résidu de pesticides ».

Des analyses sur un large panel de substances actives

En pratique, comme son nom l’indique, le label garantit aux consommateurs des produits sans résidus de pesticides. « Actuellement, sur les 320 substances actives qui peuvent être analysées, nous sélectionnons et analysons toutes les substances qui sont homologuées pour une espèce donnée ainsi que leurs métabolites », indique le collectif Nouveaux Champs. En plus, sont recherchés les substances actives de la famille des néonicotinoïdes mais aussi le glyphosate. Pour le vin, 171 substances actives sont ainsi traquées. Ce nombre augmente si la vigne est à proximité d’autres cultures. Pour éviter le risque de contamination croisée, les molécules autorisées pour les cultures voisines sont également testées.

Le collectif Nouveaux Champs a aussi fait le choix d’être très contraignant sur la mesure des molécules phytosanitaires analysées. Ce n’est pas la limite maximale de résidus (LMR) qui a été choisie comme indicateur, mais la limite de quantification des appareils de laboratoire. Ce qui signifie que si une substance active est mesurée à plus de 0,01 mg/kg, le produit ne peut pas obtenir le label.

Des phyto autorisés mais pas les résidus

Pour arriver à des produits sans résidus de pesticides, les entreprises adhérentes à la démarche ne sont pas tenues de bannir les produits phytosanitaires dans les parcelles engagées. En revanche, pour respecter le cahier des charges du label, elles s’engagent à en réduire au maximum l’usage et à privilégier certaines molécules.

La liste verte du label ZRP comprend les produits de biocontrôle (selon la note DGAL/SDQPV en vigueur) ainsi que des produits utilisables en agriculture biologique, pour lesquels l’application sur la culture ne génère pas de résidu et n’a pas de limite maximale de résidus associée1.
La liste grise comprend des substances actives ayant un risque de se retrouver en tant que résidus. Il est néanmoins possible de les utiliser.

La liste noire, quant à elle, comprend les substances actives dont l’application directe sur la parcelle induit obligatoirement le déréférencement immédiat du programme ZRP.

Dans cette liste figurent :

• des substances actives rémanentes, comme le boscalid ou le spinosad ;

• des substances actives néfastes pour l’environnement, comme le chlorantraniliprole ;

• des substances actives avec un profil toxicologique ou écotoxicologique très négatif, comme les produits CMR avérés (ex. : flumioxazine – herbicide).

Au chai, les entreprises sont tenues d’évaluer et d’éviter les risques de contamination croisés entre les lots ZRP et non ZRP. Pour s’assurer que les entreprises respectent tous ces engagements, une fois par an, un organisme tiers indépendant contrôle la conformité de l’entreprise au cahier des charges et au référentiel produit « zéro résidu de pesticides » rédigés par le collectif.

ZRP, Bio ou HVE ?

Le label privé de Nouveaux Champs oblige à obtenir un résultat : zéro résidu de pesticides dans le vin. Il peut donc s’adosser et compléter des démarches environnementales publiques comme Agriculture biologique (AB) et Haute Valeur environnementale (HVE) dont le cahier des charges fixe uniquement des obligations de moyens.

Pour la HVE, les passerelles sont favorisées par le collectif Nouveaux Champs, ce dernier étant membre de l’association HVE. À terme, il se pourrait que le cahier des charges du label privé obtienne une équivalence avec le niveau 2 de la HVE. En attendant, sur le terrain, il n’est pas nécessaire d’être certifié HVE mais « la HVE est dans le socle de la démarche « zéro résidu de pesticides ». Tous les producteurs engagés dans la démarche s’engagent au suivi de l’ensemble des indicateurs de la certification HVE (option A) ».

Contraignant mais flexible

Globalement, HVE et Nouveaux Champs partagent une philosophie commune, à savoir une utilisation raisonnée des produits phytosanitaires. Mais dans cette idée, le label ZRP va plus loin en interdisant des molécules qui ont pourtant une autorisation de mise sur le marché.
Le cahier des ZRP est potentiellement complémentaire de celui d’AB. Les deux labels partagent une ambition commune : zéro résidu de produits phytosanitaires dans les aliments. La méthode diffère en revanche.

• Les producteurs ZRP peuvent utiliser des produits phytosanitaires de synthèse et bio. Pour qu’ils ne se retrouvent pas dans le vin, les adhérents jouent sur le type de molécules, les dates d’application, les réductions de dose, le nombre de traitements…

• Pour viser l’objectif zéro résidu, les bios quant à eux s’interdisent tous les produits phytosanitaires de synthèse. Ils utilisent des produits phytosanitaires bio. Les plus couramment utilisés, comme le cuivre et le soufre, ne sont pas inclus dans les plans de surveillance des résidus dans les vins. Cette exclusion est valable pour tous les vins, certifiés AB ou non.

Concernant le contrôle de l’objectif « zéro résidu » :

• les analyses sont systématiques pour bénéficier du label porté par Nouveaux Champs. Elles sont faites à l’initiative des entreprises engagées dans le collectif ;

• les produits vendus avec le logo AB ne sont pas systématiquement analysés. Les contrôles sont aléatoires et réalisée à l’initiative d’un organisme de contrôle.

L’absence de résidus n’a pas la même définition pour les deux labels :

• Pour Nouveaux Champs, l’absence de résidus est déterminée, pour chaque substance active analysée, par un résultat inférieur à la limite de quantification, fixée à 0,01 mg/kg.

• Pour le label AB, en France, toutes les substances actives qui ne sont pas autorisées par le cahier des charges AB doivent ne pas être mesurées à une concentration supérieure ou égale à 0,02 mg/kg. Pour les produits phytosanitaires homologués AB et possédant une LMR, lors des analyses faites par les organismes de contrôle, les concentrations doivent être inférieures à leur LMR.

Notons une dernière différence entre les deux labels : la souplesse. Sur une exploitation, une production est bio ou ne l’est pas. Une année de forte pression black-rot, un vigneron bio ne peut pas utiliser un fongicide conventionnel. S’il le fait, toute son exploitation doit repartir pour une période de conversion de trois ans. Avec le label privé « zéro résidu de pesticides », « ponctuellement, et en cas d’agression forte d’une maladie ou d’un ravageur, si les moyens de lutte alternatifs se révèlent insuffisants et mettent en danger la pérennité de la culture, le producteur peut être amené à sortir la parcelle du programme “zéro résidu de pesticides” ».

Une (nouvelle) troisième voie

Le label « zéro résidu de pesticides », avec une promesse limpide pour les consommateurs, s’impose de plus en plus chez les distributeurs. Le mouvement est balbutiant dans le vin mais le collectif Nouveaux Champs promet de nouvelles adhésions dans les moins à venir. Pour reprendre les mots de la Coopération agricole, ce label pourrait être une (nouvelle) « troisième voie », permettant « d’offrir une alternative française crédible aux productions de l’agriculture conventionnelle et aux produits issus de l’agriculture biologique ».

(1) Le cuivre, les pyrèthres ou encore le spinosad sont des produits autorisés en AB mais ils ne sont pas exemptés de LMR. Ces matières actives ne sont pas dans la liste verte du label ZRP.

Toutes les substances, sauf…
D’après le cahier des charges du collectif Nouveaux Champs, « une dérogation à la promesse “zéro résidu de pesticides” peut être mise en place. Un produit qui obtient une dérogation peut donc présenter des résidus, dans des teneurs inférieures à la limite maximale de résidus (LMR) conformément à la réglementation ». Pour le vin, il y a deux exceptions :
• l’acide phosphonique, qui est un métabolite de dégradation du fosétyl-Al, mais qui a également d’autres origines possibles ;
• le cuivre, dont les teneurs dans le vin ne sont pas exclusivement corrélées aux applications à la vigne.
La LMR raisin du cuivre est de 50 mg/kg.
Par ailleurs, il faut savoir que certains produits phytosanitaires sont exemptés de LMR. C’est le cas du soufre, de l’huile essentielle douce d’orange… Ces matières actives ne sont pas recherchées lors des analyses.

Mesure
LMR ou Limite de quantification ?

Le label « zéro résidu de pesticides » porté par le collectif Nouveaux Champs n’est pas le premier du genre dans la filière vin. Depuis plusieurs années, le guide Vins et Santé se propose de délivrer lui aussi un label et de promouvoir les vins analysés sans résidus de pesticides. Dans cette démarche, 90 substances actives sont recherchées. Une bouteille arborant le macaron « zéro résidu de pesticides » du guide Vins et Santé contient ainsi un vin dans lequel aucune des substances analysées n’est quantifiée à plus de 0,5 % de sa limite maximale de résidus (LMR). Par exemple, cela signifie que si le vin certifié contient du boscalid (molécule antibotrytis), la concentration mesurée à l’analyse est inférieure à 0,5 % de 5 mg/l, soit moins de 0,025 mg/l.
Pour rappel, la LMR est le niveau supérieur de concentration de résidus de pesticides autorisé légalement dans les denrées alimentaires fraîches. Il existe une LMR définie pour chaque couple « matière première agricole, végétale ou animale/substance active ». Par exemple, sur le raisin, la LMR du folpel est différente de celle du glyphosate. Comme mentionné précédemment, la LMR porte sur le raisin et non sur le vin, un produit transformé.
Dans le cas du label porté par le collectif Nouveaux Champs, les analyses ne se basent pas sur la LMR mais sur la limite de quantification des outils de mesure des laboratoires. Les résidus, s’il y en a, sont tolérés à un niveau plus faible que si l’on se base sur les LMR. « L’absence de résidus est déterminée, pour chaque substance active analysée, par un résultat inférieur à la limite de quantification, plus petite valeur quantifiable par les laboratoires avec une précision “acceptable”. À l’heure actuelle, les performances des instruments de mesure conduisent pour la majorité des résidus à une limite de quantification de 0,01 mg/kg. »

Coût
L’adhésion au collectif Nouveaux Champs est payante : entre 2 500 et 15 000 euros, selon le chiffre d’affaires global de l’entreprise. Une cotisation est ensuite calculée sur le chiffre d’affaires réalisé par les produits labellisés « Sans résidu de pesticides », à hauteur de 0,5 %. Les montants engrangés permettent de financer des salariés, la communication et l’appui technique.

Article paru dans Viti 454 de septembre 2020

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