Existe-t-il vraiment des points communs entre les vins de terroirs volcaniques ?

Le vignoble de Lanzarote aux îles Canaries fait partie de la grande famille des vins dits « volcaniques ». Suzanne Plumette/adobe stock

Magma éruptif ou effusif, terre de cendres, basalte… ces mots vous laissent songeur ? Ça tombe bien : sur les flancs de ces volcans pousse de la vigne. Et ces vins volcaniques présentent bien des particularités ! 

Pari gagné pour le premier Salon international des vins volcaniques Vinora, qui se tenait fin janvier à côté de Clermont-Ferrand, sur le site du parc d’attractions de Vulcania, réouvert pour l’occasion. Un succès incontestable, d’après les organisateurs : 31 exposants, dont treize provenant de vignobles internationaux (Espagne, Italie, Grèce, Portugal, Hongrie) et quatre originaires de territoires volcaniques français (Côtes-du-Forez, Coteaux-du-Beaujolais, Ardèche, Languedoc, Coteaux-d’Aix-en-Provence) ont rencontré plus de 500 professionnels, ainsi que 50 journalistes français et internationaux. Voilà de quoi promouvoir les vins de terroirs volcaniques !

L’Auvergne et ses vins volcaniques

Cet événement a mis un coup de projecteur sur le vignoble d’Auvergne. Cette région s’impose comme le premier vignoble volcanique français. Une place légitimée par sa typicité unique, 400 hectares de vignes plantées sur basalte, pierres ponces, pépérites et lave volcanique, et la reconnaissance du caractère exceptionnel de son terroir, validée par la récente inscription de la Chaîne des Puys-Faille de Limagne au patrimoine mondial de l’Unesco.

Pierre Desprat, lors de son discours pour le tout premier Salon Vinora en janvier 2020 à Vulcania. Photos : Audrey Domenach, Media et agriculture
Pierre Desprat, président de Vinora1, et fondateur de la maison Desprat Vins, explique ainsi les raisons de ce Salon. À l’origine : un groupe de vignerons décidés à relever un pari audacieux : « Celui de faire se rencontrer les volcans du monde. Celui de tisser un lien entre les vignerons sur les volcans aux Canaries, en Grèce… partout en terre de cendres. Celui également de fonder une vraie famille pour se reconnaître et se connaître, parler de nous et faire parler de nous, de nos vins, des terroirs, de nos racines. Nous formons aujourd’hui la belle et grande famille de Vinora, vins volcaniques, née au cœur de la chaîne des Puys, des volcans d’Auvergne. Une chaîne de valeur autour d’une identité commune. Sa force est aussi faite par ses participants : clients, vignerons, professionnels, partenaires… »

Les vignerons des côtes d’Auvergne espèrent donner de nouveaux rendez-vous en 2021. L’association organisatrice Vinora prévoit cependant de faire vivre l’événement toute l’année à travers des rencontres autour des terroirs volcaniques et des dégustations professionnelles.

Les terroirs des vins volcaniques

Lors de ce Salon, une conférence s’est aussi tenue sur les vins volcaniques. John Szabo, journaliste à Toronto (Canada), écrivain, maître sommelier et expert des terroirs volcaniques était l’invité d’honneur. Ce passionné de vins a un jour réalisé que les vins qui l’intriguaient le plus provenaient de régions comme l’Etna, en Italie, ou Santorin, en Grèce. Des zones volcaniques donc. C’est ainsi qu’il s’est lancé dans des recherches sur le monde des vins volcaniques et qu’il a alors parcouru une douzaine de pays, et une trentaine de régions différentes, pour les étudier. De ce parcours est né un livre en 2016, Volcanic Wines: Salt, Grit and Power.

Vinora, qu’en ont-ils pensé ?
Annie Sauvat, du domaine Sauvat (63) : « Vinora est un événement inespéré et mérité pour les vins d’Auvergne… 32 ans que je suis installée, quelle reconnaissance de mon travail ! Je suis contente d’avoir participé à ce salon qui a su toucher des professionnels du vin tels que des cavistes et CHR. »
Julien Maurs, directeur technique de la cave Desprat Saint-Verny (63) : « Vinora est un beau coup de projecteur sur les vins d’Auvergne qui souffrent d’image et de notoriété. De nombreux professionnels de l’export sont venus, ainsi que la presse nationale (TF1), régionale (France 3), internationale (Julia Harding MW du Royaume-Uni, Jordan Mackay de San Francisco, Tom Mullen), et bien d’autres encore ! »

D’après cet expert, « les caractéristiques des vins volcaniques sont plurielles. C’est une famille de vins avec des cépages différents, des climats différents, des cultures différentes : une variété fascinante ! » Tout d’abord concernant les sols. Pour ce Canadien, tout dépend de la composition du magma. Ces sols volcaniques présentent des niveaux de silice variables. Les rhyolites sont des roches volcaniques contenant environ trois quarts de silice, très fluides. Les basaltes, quant à eux, sont plus explosifs et contiennent environ une moitié de silice dans leur composition. Le niveau de silice dans les andésites se situe entre les deux précédents. De plus, il est important de connaître l’époque à laquelle cette lave est sortie de terre : il y a trois jours ou trois millions d’années ?

La météo, le climat et le temps altèrent les roches, créant des sols différents.

De manière générale, l’écrivain liste quelques points communs entre ces sols volcaniques. Ils présentent une faible rétention d’eau, ils sont très drainants, relativement pauvres et faibles en matière organique.

Ainsi, la vigne doit rechercher l’humidité pour survivre. Ces vins présentent des rendements bas. 

Alors, pourquoi les vignes aiment-elles les sols volcaniques ? Car elles y trouvent une large gamme d’éléments minéraux : phosphore, potassium, soufre, calcium, sodium, magnésium, fer, manganèse, cuivre, zinc, molybdène et divers sels minéraux. John Szabo a fait procéder à des études, en partenariat avec des vignerons. Par exemple, chez ce vigneron grec, de l’île de Santorin (île volcanique) qui compare son cépage assyrtiko avec celui de nemea (non volcanique). Zinc : + 20 %, calcium : + 25 %, fer : + 300 % quand on les compare ! D’après cet expert, le fer aurait un effet sur le goût du vin. Il oxyderait les arômes, pour un vin moins parfumé. Et, en effet, à la dégustation, il estime que les vins de Santorin sont moins aromatiques, mais avec une concentration immense !

Des vins savoureux

Comment ce sommelier décrit-il plus précisément les goûts des vins volcaniques ? Il divise les vins de manière générale en deux sortes : les vins fruités, faciles à boire, et les vins « salés » (« savory » en anglais). Pour lui, les vins volcaniques sont savoureux. Ils ont du fruit mais, pour autant, ce ne sont pas des vins que l’on qualifierait de fruités. C’est la raison pour laquelle ils ne sont pas toujours si faciles d’approche… ils ont des notes végétales, d’autres salines, avec une certaine densité, une fraîcheur, parfois acides ou amères. Des vins minéraux ! Ainsi, on peut faire des liens entre sols et arômes.

Comparaison de vins issus du cépage assyrtiko de Santorin (volcanique) et du nemea  (non volcanique). Résultat :  zinc : + 20 %, calcium : + 25 %, fer : + 300 % !

John Szabo participe à des recherches avec un professeur de chimie à Montréal. Son but ? Évaluer la concentration de certains éléments dans les vins. Par exemple, il s’intéresse à la concentration ionique (potassium, sodium et métaux) dans les vins. Pour lui, c’est elle qui donne un goût salin et légèrement amer dans ces vins. L’acide succinique donnerait une typicité pour les vins présentant une sapidité et une salinité, d’autant plus lorsque les vinifications se font avec des levures indigènes. Les glutamates et acides aminés, quant à eux, sont des stimulants de la saveur « umami ». Il essaie aussi de comprendre les effets dans les vins volcaniques de la conductivité électrique. Et souhaite explorer d’autres questionnements, tels que : y a-t-il des similarités du microbiote dans les terroirs volcaniques ? Quel effet la résonance magnétique a-t-elle sur le vin ? Un livre à ce sujet est en préparation… Les vins volcaniques n’ont pas fini de faire parler d’eux. 

(1) Basée à Clermont-Ferrand, Vinora est une association qui fédère des vignerons coopérateurs, des vignerons indépendants, des entreprises de distribution et soutenue par de grands partenaires publics et privés. Sa mission est de promouvoir les vignobles d’Auvergne-Rhône-Alpes, d’accompagner le développement économique de la filière et de valoriser l’image des vins volcaniques auprès du grand public.

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Article paru dans Viti 451 d'avril 2020

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