« Dans le monde du vin aussi, il y a des producteurs en difficulté »

Laurent Pasquier, co-fondateur et directeur de La Marque du Consommateur, revient sur les débuts de l’aventure du vin C’est qui le Patron ?! Le 15 mars 2019, un distributeur encore inconnu devrait mettre en rayon les premières bouteilles de beaujolais. Un contrat de trois ans a été signé.

On connaît la marque C’est qui le Patron ?! pour le lait, le beurre, les œufs... Mais depuis peu un vin porte le label. Les consommateurs ont donc eu envie de voir une bouteille en plus dans les rayons vins très fournis des grandes surfaces ? 

Laurent Pasquier : Comme pour la quinzaine de produits C’est qui le Patron ?!, nous avons demandé aux internautes consommateurs s’ils seraient intéressés par du vin durable, sur le plan environnemental, économique et social. Je ne vais pas l’apprendre à vos lecteurs viticulteurs, mais dans le monde du vin aussi il y a des producteurs en difficulté financière et des problèmes sur le partage de la valeur. Néanmoins, contrairement aux autres produits C’est qui le Patron ?!, ce ne sont pas les consommateurs qui nous ont fait la demande initiale mais des producteurs, enfin, pour être exact, un moine produisant des vins d’abbaye dans le Ventoux.

Dans la région, les cours vrac de l’AOP ventoux sont d’environ 110 €/hl. Avec les exigences d’un cahier des charges AOP, cette rémunération est difficilement tenable. Le moine qui m’a sollicité fait vinifier le vin de l’abbaye du Barroux par une cave coopérative. C’est pour cette coopérative qu’il m’a interpellé. Mais était-il possible de proposer un seul vin ? Le vin ce n’est pas comme de la farine, les gens ont des goûts et des attentes différentes. Nous avons donc recherché des terroirs de qualité en difficulté, parce que le vin est méconnu ou parce qu’il a une « mauvaise réputation ». Quatre terroirs sont ressortis : Ventoux, Beaujolais, Pays d’Oc et Coteaux du Pont du Gard.

Les consommateurs ont voté pour un cahier des charges qualité et prix. Ensuite que se passe-t-il ?

L. P. : Nous faisons confiance aux choix des votants qui, jusqu’à présent, ont séduit les consommateurs s’approvisionnant en grande surface. Prenons l’exemple du lait lancé en 2016, il y a eu 7 850 votants et nous avons vendu cette année 50 millions de briques. Le cahier des charges validé, les producteurs identifiés, nous partons ensuite à la recherche de distributeurs. Dans le cas du vin, cette partie est gérée par la société Moncigale du groupe Marie Brizard. Sous contrat de licence, l’entreprise basée dans le Gard négocie avec les enseignes de la grande distribution puis contractualise sur trois ans avec les producteurs. Pour le beaujolais, une enseigne a signé. Le lancement initialement annoncé pour le 15 janvier a été repoussé au 15 mars 2019. Si d’autres enseignes souhaitent référencer ce vin ou l’une des autres références validées par les consommateurs, la production s’enclenchera. Le produit est commercialisé lorsqu’au moins un distributeur s’engage. Pour le moment, dans le commerce, il n’y a donc pas de bouteilles de vin C’est qui le Patron ?! de Ventoux, Pays d’Oc et Coteaux du Pont du Gard.

Qui sont les viticulteurs derrière les vins C’est qui le Patron ?!

L. P. : Dans le cas du beaujolais, ce sont quatre viticulteurs dont un en charge de la vinification. Pour les autres références, nous travaillerons avec des adhérents de caves coopératives. Ce n’est pas forcément plus simple de collaborer avec des groupes coopératifs car la philosophie de base repose sur la mutualisation des bénéfices entre tous les sociétaires. Or avec C’est qui le Patron ?! les consommateurs ont à cœur de rémunérer convenablement des producteurs, au sens d’individus. Les deux positions sont respectables mais sont incompatibles. Des coopératives ont donc refusé des partenariats par soucis d’équité.

La production agricole et viticole est soumise aux aléas climatiques. Dans le cas du cahier des charges du beaujolais, par exemple, la chaptalisation est interdite. Que se passera-t-il si l’ajout de sucre semble indispensable une année ? 

L. P. : Toute modification du cahier des charges est soumise à l’avis des 7 000 sociétaires de la SCIC La Marque des Consommateurs. Par une consultation, nous expliquerons les tenants et les aboutissants de conserver ou de modifier pour cette année le cahier des charges. Informés, ils décideront.

Et si les cours s’emballent durant le contrat, les producteurs peuvent demander une revalorisation ?

L. P. : Nous avons déjà été confrontés à ce cas avec les pomiculteurs. La rémunération initialement choisie par les votants était bien supérieure au cours du marché mondial. D’après nos calculs, elle permettait aux producteurs de se payer convenablement et de prendre du temps libre. Mais rapidement les cours mondiaux se sont envolés. Nous sommes en dessous. Nous avons rencontré les producteurs qui ont accepté d’être payés moins que les cours sur un an. Si la situation se confirme l’année prochaine, il y aura une consultation des sociétaires.

Quelle rémunérationpour les viticulteurs ? 
« Les viticulteurs seront rémunérés convenablement afin qu’ils soient dans de bonnes conditions pour réaliser un travail et conserver ce niveau de qualité. » Selon les calculs de C’est qui le patron?!, en prenant en compte les rendements autorisés notamment, cela correspond à un prix d’achat de 2,52 € par litre pour le vin rouge ventoux AOP, de 2,47 €/l pour le vin rouge beaujolais AOP, de 1,79 €/l pour le rosé coteaux-du-pont-du-gard IGP et de 1,87 €/l pour le vin blanc 100 % chardonnay pays d’Oc IGP.

Un questionnaire orienté ? 
Les questionnaires soumis aux internautes permettent de définir la qualité du produit attendu mais aussi son coût final. Pour chaque question, plusieurs choix sont proposés. Chaque choix est associé à un coût de production. 
Pour comprendre les différences de prix entre les propositions et ce que cela implique pour le producteur et le consommateur, des textes informatifs sont associés. 
Par exemple, dans le cas du déclenchement de la fermentation malolactique, après une explication sur ce qu’est la FML, les deux choix sont soumis au vote : « naturelle » ou « provoquée par ajouts de bactéries » sont décrits. 
Pour expliquer le choix 2, il est écrit : « pour mieux maîtriser la production et réduire les coûts, certains réalisent un ensemencement à partir de souches sélectionnées par l’industrie. Cela uniformise le goût du vin. » Pour des internautes, la description du choix « provoquée par ajouts de bactéries » n’est pas très engageante! D’ailleurs 73,3 % des votants ont choisi une FML à déclenchement naturel. 
Ces textes, qui pourront être jugés incomplets, donnent néanmoins une information comme l’estime Laurent Pasquier. « Nous devons trouver un compromis entre la technique et le ludique. Les internautes qui prennent le temps de répondre sont intéressés par les sujets. Ce ne sont pas des experts mais pour autant il n’est pas question de les infantiliser ou de proposer des faux-choix. D’ailleurs tous les choix que nous proposons sont réalisables. Nous les étudions avec les partenaires avec qui nous construisons le questionnaire. Ainsi, nous ne proposons pas d’options qui ne pourraient pas être mises en œuvre. »
Dans le cas du questionnaire sur le vin, 2 792 consommateurs ont répondu à la douzaine de questions proposées. Ils ont choisi des vins issus de l’agriculture raisonnée. Pour satisfaire à cette exigence, les raisins de tous les vins seront issus de domaines certifiés Terra Vitis.

 

Article paru dans Viti Leaders de

Viti leaders 440 février 2019
février 2019

 

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