Cépages patrimoniaux : le retour ?

Les consommateurs ont envie de plus de diversité ? Les cépages autochtones sont une carte à jouer. Photo : janvier/fotolia

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Rares, modestes, parfois oubliés mais toujours anciens et patrimoniaux : autant de qualificatifs pour désigner les très nombreux cépages cultivés autrefois. Certains sont sortis de l’oubli par des vignerons convaincus de leur potentiel, sur des marchés de niche. Mais leur redécouverte pourrait s’accélérer, sous la pression de la concurrence mondiale, qui incite à toujours plus se différencier.

Est-ce parce que « c’était mieux avant » ou parce qu’il a envie de renouveau ? Le consommateur actuel est sensible au « vintage » (littéralement millésime) ou au « revival ». « Partout où je vais, je constate cette envie pour plus de diversité », indique Nicolas Gonin, un des pionniers de la redécouverte des cépages isérois, qui revient de New-York et de Norvège.

Installé en Isère, Nicolas Gonin a doublé son chiffre d’affaires en deux ans lorsqu’il s’est tourné vers les cépages patrimoniaux. Photo : I. Aubert/Pixel image
Ça tombe bien. Les cépages patrimoniaux, Nicolas en a fait son fonds de commerce. Installé à St-Chef, près de Bourgoin-Jailleu (Isère), cet œnologue devenu aussi ampélographe cultive 100 % de cépages locaux anciens : persan, mondeuse, verdesse, et bientôt, il devrait vendanger ses premiers raisins de mècle de Bourgoin, un cépage qu’il est le premier à replanter depuis de nombreuses années. Installé en 2005, le jeune vigneron avait pourtant commencé par planter du chardonnay… mais « il ne donnait pas de vins exceptionnels, même avec des rendements à 25 hl/ha. En 2009, j’ai fait mon premier assemblage persan/mondeuse et là, j’ai vu que c’était différent. Dès la mise en bouteille, le vin s’est vendu très rapidement, sans faire d’effort commercial. » Le chiffre d’affaires double en deux ans. « J’ai arraché ou surgreffé tous les cépages de première époque et tout replanté en cépages patrimoniaux. » Non seulement la qualité des vins est supérieure, mais cette qualité est valorisable.

Petits degrés et vin de qualité

En effet, l’IGP Isère mention Balmes dauphinoises est méconnue (seulement cinq producteurs la revendiquent) et les vins souffrent d’une image difficile acquise du temps des hybrides. Avec les cépages patrimoniaux, l’équation est différente. « Ce sont les cavistes et sommeliers qui m’ont fait confiance au départ », souligne Nicolas, puis l’export a démarré. Petits degrés et vin de qualité : la formule séduit. « Ma mondeuse rosée à 10,5 ° est partie à 70 % à l’export. Chez Chambers street wine, caviste renommé de New-York, ils ont vendu 23 caisses en deux mois ! »

Aujourd’hui, la commercialisation se répartit pour 40 % à l’export (USA surtout, Norvège, Japon, Québec, Royaume-Uni) et 60 % en France, surtout dans la région, via les cavistes et les grandes tables. Le caveau et les salons représentent 20 % des ventes en France. « Ce sont des vins qui ont besoin d’être présentés », résume Nicolas. La gamme de prix s’étend de 6,50 à 13 €/col.

Le mècle de Bourgoin a été choisi par Nicolas Gonin pour être replanté, sur la base de la bibliographie… et de la dégustation.  Source : Ampélographie. Tome 6 / publiée sous la direction de P. Viala,...,  V. Vermorel… [et al] (1901-1910)

Très motivé par l’idée de renforcer l’identité viticole de sa région, Nicolas Gonin insiste pour que chaque région fasse un travail sur ses propres cépages : « Planter un cépage dont le vin vous a bien plu ailleurs ne donnera pas forcément les mêmes résultats chez vous », prévient-il. D’autant qu’à l’inverse du Nouveau Monde, il existe en France des références bibliographiques. Lui-même s’est inspiré de l’ouvrage Le vignoble, de Mas et Pulliat (1874) pour choisir le mècle de Bourgoin. Un vin décrit comme très apprécié à l’époque.

Avant de planter, le vigneron a aussi confronté son idée à la réalité en vinifiant des raisins issus du domaine de Vassal et en dégustant le résultat. « Il faut être prudent, on ne peut pas planter de tout n’importe où », car il y a « des savoir-faire à redécouvrir », précise-t-il. Le persan, par exemple, passe bien le printemps, mais craint les coups de chaud et le mildiou. Aussi, le vigneron taille en guyot, pour atteindre un rendement correct. En vinification, la verdesse est plutôt réductrice alors qu’elle craint l’oxydation pendant l’élevage…

Porter l’originalité d’une région

Si d’autres domaines en France ont choisi, comme Nicolas Gonin, de cultiver des cépages patrimoniaux, ce choix reste encore minoritaire. Pourtant, des signes montrent un intérêt croissant pour ces cépages, source potentielle de différenciation sur le marché. Pour accompagner ce mouvement, plusieurs études ont été réalisées récemment, afin de redécouvrir et favoriser l’accès à des références locales.

En Val de Loire, par exemple, l’inventaire des cépages locaux et de leurs potentialités a été réalisé l’an dernier par Julia Riffault pour l’Union pour les ressources génétiques du Centre Val de Loire. Cette étude classe les variétés en trois catégories : les précurseurs (pineau d’aunis et romorantin), utilisés dans les AOC éponymes, les renaissants (orbois, genouillet), qui connaissent un regain d’intérêt auprès des vignerons pour leur potentiel œnologique et les rescapés (gascon, meslier St-François et gouget noir), cultivés sur de moins de 10 ha et escortés d’une mauvaise réputation. Des fiches résumant les caractéristiques agronomiques sont consultables sur le site de l’URGC. Une étude similaire est en cours en Bordelais, dont les résultats devraient être présentés à Vinexpo.

« Au-delà d’un marché de niche, les cépages autochtones pourraient porter l’originalité d’un vignoble. Par exemple, la Provence pourrait conforter son leadership et innover dans le rosé avec des cépages qui lui sont propres », proposait Héloïse Mahé, auteur d’une étude sur les cépages méditerranéens en 2015, pour Wine mosaïc, une association qui défend la « vinodiversité ».
 

Dans la presse
Des vins qui font le buzz

« Goûter ces vins est l’équivalent de découvrir un dodo ou une tribu perdue de l’âge de bronze. » (Jason Wilson, afar.com). Peu connus, les vins issus de cépages patrimoniaux éveillent l’intérêt de ceux qui se sentent une âme de découvreurs, au premier rang desquels, les journalistes. Les vins de Nicolas Gonin, par exemple, ont été retenus trois fois en moins de deux ans dans la sélection des « 20 vins à moins de 20 $ » du New-York Times. Sans que le vigneron ait jamais rencontré l’auteur. Une recommandation qui facilite sans doute les ventes. « Soyez reconnaissants que ce qui existait, existe encore », écrit ainsi Éric Asimov, dans The New York Times.

 

Pour aller plus loin : « Un rosé qui sort de l’ordinaire et qui plaît »

Article paru dans Viti Leaders n° 425 de mai/juin 2017

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