Il n’y a pas besoin d’être grand sorcier pour comprendre qu’un terroir n’est pas une entité homogène et que ce sont les interactions entre le climat, le sol et la vigne, accumulées au cours des années qui créent l’hétérogénéité. Si l’homme, au cours des siècles a essayé de réduire cette hétérogénéité, l’expérience de terrain, l’analyse de photos aériennes et de carte NDVI (indice de végétation normalisé) montre qu’elle existe toujours. C’est dans ce contexte qu’il faut placer la viticulture de précision. Peut-on avec des moyens modernes tenir compte de l’hétérogénéité pour adapter les traitements et les pratiques et mieux suivre la maturité ? Est-il possible de valoriser cette hétérogénéité au lieu de vouloir l’homogénéiser ?
Les enjeux sont énormes. Qui ne rêve pas un jour de pouvoir traiter ses parcelles en fonction de la vigueur, de récolter en fonction de la maturité et de la qualité potentielle… Nous progressons dans cette voie avec la société Fruition Sciences, représentée à Bordeaux par Wine & Tools.
Suivre l'évolution
Avec Fruition nous avons développé une offre permettant de suivre l’évolution du millésime depuis le débourrement jusqu’à la vendange au moyen de « placette intelligentes », les Smart-Point. Dans ces placettes sont effectuées des mesures d’allongement des rameaux, des analyses pétiolaires, des mesures de contrainte hydrique, de maturité entre autres…
Toutes ces informations sont enregistrées dans l’interface développée par Fruition Sciences où elles peuvent être comparées/analysées par rapport à des informations récupérées en temps réel comme la météo. Se pose, cependant, le problème de la représentativité des Smart-Point et de l’extrapolation des données. Comment utiliser une information hyper précise mais très ponctuelle sur des surfaces plus grandes ? Pour placer nos Smart-Point, outre l’expérience de nos interlocuteurs, nous nous aidons de cartes de vigueur (NDVI). Ces cartes, faites avec "l’Avion jaune", sont directement intégrées dans notre interface.
Pour simplifier, les cartes NDVI mesurent l’intensité de l’assimilation chlorophyllienne : plus d’assimilation plus de vigueur.
Connaissance et moyens
Dans le cadre des exploitations viticoles que nous côtoyons, ce n’est pas tant la connaissance qui bloque mais parfois le manque de moyens pour mettre en œuvre les recommandations.
Prenons l’exemple des cartes NDVI: si elles sont en mesure de nous donner à un moment précis une information sur la vigueur et donc la quantité de feuilles, rares sont les domaines qui disposent des moyens d’utiliser cette information pour adapter leur dose de traitement par exemple. Aujourd’hui, il n’existe pas de pulvérisateur ou d’épandeur capable d’adapter son débit (et donc la dose) en fonction d’un positionnement GPS. Dans le meilleur des cas, les exploitations essayent d’optimiser les doses en ajustant la vitesse d’avancement des tracteurs.
De même pour les décisions de vendange. Nous disposons aujourd’hui de moyens, basés sur les cartes NDVI et nos Smart-Point pour affiner les informations sur la qualité du raisin, et optimiser la vendange au niveau de sous-parcelles. À Bordeaux, pouvoir détecter une sous-parcelle habituellement destinée au second vin comme pouvant potentiellement entrer dans le premier vin, est un enjeu stratégique. Encore faut-il pouvoir mettre en œuvre ce qui va permettre de récolter ce raisin et de le vinifier de façon séparée.
Vu du terrain, avec ou sans outils de précision, de plus en plus de châteaux, conscients de ces enjeux, investissent sur de la cuverie plus petite afin de pouvoir récolter de façon sélective, certains d’entre eux n’hésitant pas à acheter des Flextank pour y faire des essais.
La viticulture de précision est encore un mythe, mais devient chaque jour un peu plus réalité !
Frédéric Planchon
