Anticipez pour avoir le choix !

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Combien parmi vous se disent que la transmission est une question qui se pose à la veille de la retraite (et qui n’en est pas vraiment une lorsqu’un enfant reprend l’exploitation…) ?

Or, le manque d’anticipation risque de vous priver de certaines possibilités, et peut même, en cas de disparition brutale, mettre vos proches en difficulté et dévaloriser le travail de toute une vie.

Lorsque l’on parle transmission, plusieurs objectifs sont en général recherchés : limiter les droits à payer, maintenir son niveau et sa qualité de vie, pérenniser le fruit de son travail et conserver une bonne entente entre ses héritiers.

Pour être convaincu de la nécessité de réfléchir à la transmission future de votre patrimoine, alors même que vous êtes en train de le construire, vous devez vous poser deux questions :

  1. Qu’ai-je à transmettre ?
  2. Que se passera-t-il si je n’anticipe pas ?

1 - QU’AI-JE A TRANSMETTRE ?

Qu’y a-t-il dans mon patrimoine et comment est-il détenu ?

Cette question suppose de faire l’inventaire de son patrimoine professionnel et privé, et de se demander qui le possède et comment il est détenu : foncier viticole en propriété, bâtiments, matériel, clientèle, emprunts et dettes, parts de société, résidence principale, immobilier locatif, placements et assurance-vie, compte-courant d’associé, etc. 

Ce patrimoine est-il détenu par Monsieur, ou par Madame en propre, en communauté, en indivision, en usufruit, en nue-propriété, etc. ? Il faut tracer l’origine de propriété de vos biens pour savoir comment ils sont entrés dans votre patrimoine, tout en tenant compte de votre régime matrimonial. Par exemple, les biens détenus avant le mariage et ceux qui vous ont été donnés ou dont vous avez hérité sont, par principe, des biens propres.

Attention, si vous utilisez le fruit de la vente d’un bien propre et achetez un autre bien avec votre conjoint sans rien préciser, et si vous êtes mariés sous un régime de communauté (sans contrat de mariage par exemple), le bien deviendra commun. Pour qu’un bien propre le reste à l’occasion d’une mutation, il faut formaliser un « remploi » de bien propre.

En effet, chacun transmet son patrimoine propre et la moitié des biens communs. Cela aura une incidence sur les modalités de transmission, chaque parent pouvant transmettre à chaque enfant jusqu’à 100 000 € de patrimoine, tous les quinze ans, sans droits de succession.

Si le patrimoine est concentré sur l’un des parents, l’abattement de l’autre ne pourra pas être utilisé, ce qui est dommage (y compris pour la protection de ce conjoint, qui a peut-être consacré sa vie à l’exploitation viticole sans statut, ou a élevé les enfants, permettant à l’exploitant de développer son patrimoine).

Quelle valeur donner à mon patrimoine, et particulièrement à mon entreprise ?

Il faut également donner une valeur à vos biens, ce qui n’est pas toujours aisé. Il convient de retenir une valeur vénale, comme si vous vendiez le bien, et faire appel à des experts pour ne pas avoir de difficulté avec l’administration fiscale, ou avec des héritiers qui s’estimeraient lésés.

Votre notaire vous sera d’une grande aide pour le foncier, vous pouvez également vous référer aux moyennes publiées par les Safer pour des biens équivalents aux vôtres. Votre expert-comptable vous accompagnera pour travailler sur la valeur de votre entreprise individuelle ou de votre société. La valeur de votre entreprise, foncier compris, peut être affectée par le type de baux, votre stratégie et vos projets (installations aux normes, peu d’investissements à prévoir, clientèle fidèle et diversifiée, polyvalence, souplesse et savoir-faire de votre main-d’œuvre, stocks, résultat, endettement…).

En matière d’évaluation d’entreprise, plusieurs méthodes existent et sont à combiner et à pondérer selon vos objectifs et ceux du repreneur (valeur mathématique, valeur patrimoniale, valeur d’investissement ou encore valeur de remboursement).

2 - QUE SE PASSERA-T-IL SI JE N’ANTICIPE PAS ?

Pour être convaincu de l’intérêt d’anticiper et de vous poser les bonnes questions dès la construction de votre patrimoine, il faut vous demander qui hérite et dans quel ordre. En effet, certaines situations sont très inconfortables, comme celle de la personne qui partage votre vie, qui peut être le père ou la mère de vos enfants, et ne pas avoir de statut. Si vous décédez, cette personne n’aura aucun droit sur la succession, et aura en revanche toutes les difficultés attachées à la gestion du patrimoine de vos enfants communs mineurs avec le juge des tutelles. Le mariage est une solution, ainsi que le Pacs avec testament (attention, sans testament, le Pacs ne donne aucun droit sur la succession), ou encore des montages en société.

Par ailleurs, anticiper, quand le moment est venu car c’est irréversible, en utilisant le démembrement (donation de nue-propriété tout en conservant l’usufruit, c’est-à-dire le droit d’habiter et de disposer des revenus d’un bien immobilier par exemple), permet d’éviter l’indivision (l’indivision peut toutefois être organisée dans le cadre d’une convention).

Pensez également à protéger votre conjoint (surtout en présence d’enfants non communs), notamment en utilisant le mécanisme de la donation au dernier vivant, qui lui laissera plus de choix au moment de la succession (sous réserve toutefois des biens déjà donnés en pleine propriété ou en démembrement).

Evoquez aussi les mandats de protection future et à effet posthume à votre notaire, afin de réfléchir au sort de votre entreprise en cas d’empêchement temporaire ou définitif de travailler et prendre des décisions (coma, décès, etc.).

7 CONSEILS POUR QUE TOUT SE PASSE BIEN !

  1. Faites le bilan de vos droits retraite : âge de départ et retraite attendue, cela vous donnera une base de réflexion sur votre besoin pour maintenir votre niveau de vie.
  2. Pensez à développer votre patrimoine privé en parallèle de votre patrimoine professionnel, cela vous sera utile pour aider l’enfant qui reprendra l’exploitation à désintéresser ses frères et sœurs.
  3. N’oubliez pas de protéger votre conjoint (en rééquilibrant vos patrimoines par exemple), et de lui laisser le plus de choix possibles (donation au dernier vivant, etc.).
  4. Faites évaluer vos biens.
  5. Commencez à en parler en famille pour recueillir les souhaits des uns et des autres et les mettre en musique avec votre propre projet : donation/vente, les deux combinées (faites bien projeter les conséquences fiscales et sociales d’un arrêt d’activité, et sécurisez bien votre foncier pour éviter les mauvaises surprises).
  6. Si vous devez chercher un repreneur tiers, rapprochez-vous de la chambre d’agriculture et vérifiez la fiabilité et la solidité des candidats repreneurs, ainsi que les différents délais administratifs.
  7. Faites-vous bien accompagner pour toute la partie juridique et fiscale de votre transmission (mise en société, changement de forme sociétaire, donation et/ou cession de parts, compromis de vente, baux, formalités MSA, douanes, impôt plus-value, liquidation de retraite, transfert des emprunts et garanties, etc.).

Faites confiance aux professionnels qui vous entourent (notaire, expert-comptable, avocat, banque, chambre d’agriculture, assureur, etc.) et n’hésitez pas à leur poser des questions !

 

Nicolas Fritsch, expert-comptable du Groupe SFC, cabinet comptable en Rhône-Alpes,
spécialiste de l’accompagnement des viticulteurs.

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