L’œnotourisme français manque d’ambition

La famille Vivanco a créé une bodega magnifique qui rassemble l’espace de production, mais aussi un musée, un espace d’exposition, un atelier pour des cours de dégustation et un restaurant.

Crédit photo Santiago Vivanco
À Vinexpo, les professionnels sont concentrés sur le business, la vente de vin, et l’aspect « œnotourisme » est mis au second plan, quand il n'est pas complètement absent.

Pourtant, cette année on a parlé d’œnotourisme à Vinexpo, même longtemps et en détail ! D’ailleurs, un grand merci à la CCI de Bordeaux et à Catherine Leparmentier du réseau « Great Wine Capitals » pour l’organisation de cette conférence dont le sujet était « Le développement du tourisme viticole à travers les Great Wine Capitals : quelles nouvelles stratégies ? »

Je ne vais pas me lancer dans un résumé exhaustif de cette conférence très riche en statistiques et en histoires de projets réussis ou en cours. Cependant, si je devais tirer une conclusion sur ces 2 heures de conférence, elle serait la suivante : les acteurs du vin en France ont moins d’ambition sur des projets d’œnotourisme que leurs homologues des autres pays touristiques producteurs de vins, qu’ils soient européens (Espagne, Portugal) ou dans le reste du monde (États-Unis, Argentine, etc.).

Des investissements français faibles dans l’œnotourisme 

Les premières tendances de l’enquête Market Trends 2015, révélées par Christophe Faugère, professeur à Kedge BS, confirment les résultats de 2013 : les châteaux bordelais (mais on peut très certainement l’étendre à toutes les régions viticoles françaises) investissent moins dans l’œnotourisme que leurs homologues étrangers.

En 2015, à notre grand regret, les investissements dans l’œnotourisme sont plus faibles en France qu’ailleurs, et ce, dans toutes les catégories : infrastructures, formation du personnel, améliorations et événements. À titre d’exemple, à Bordeaux, 45 % des propriétés ont investi dans leurs infrastructures œnotouristiques contre presque 60 % des domaines viticoles étrangers interrogés (si les chiffres vous intéressent, je vous renvoie vers le rapport de 2013).

Des potentielles retombées importantes

Or, plus il y a d’investissements, plus les retombées sont importantes pour la propriété, mais aussi pour toute l’économie de la région.

Santiago Vivanco, de la bodega éponyme en Rioja, en a fourni la démonstration. La famille Vivanco a créé une bodega magnifique (comme le prouve la photographie) qui rassemble l’espace de production, mais aussi un musée, un espace d’exposition, un atelier pour des cours de dégustation et un restaurant. Alors qu’ils prévoyaient 15.000 visiteurs pour la première année, ils ont franchi la barre des 100.000 !

La France a la chance de regorger de régions viticoles plus touristiques que la Rioja, alors à quand de telles initiatives ? Si je voulais être un peu provocateur, je résumerais la tendance actuelle à Bordeaux ainsi : on préfère investir dans des chais flambant neufs d’architectes à la mode plutôt que dans des structures d’accueil ambitieuses qui dynamiseraient l’économie de toute une région.

Des lieux d’accueil souvent trop mono-activité

Un autre constat est frappant : les structures françaises proposent beaucoup moins d’activités que les « wineries » des autres « capitales ». À l’étranger, l’offre de restauration sur place est deux fois plus courante qu’à Bordeaux, tout comme l'offre d’hébergement. Certes, ces activités de restauration, d’hébergement et de spa sont les plus exigeantes et demandent des investissements conséquents, mais elles sont aussi plus rémunératrices que la vente de produits régionaux ou des expositions d’art (qui sont plus couramment pratiquées à Bordeaux).

À titre d’exemple, l’Espaço Porto Cruz, un immeuble de deux étages, a été imaginé comme un lieu dédié à la culture du porto (en dehors des chais de Vila Nova de Gaia) exposant les différents portos de la marque dans un parcours interactif. À cela s’ajoutent des salles de dégustation en accords mets-vins, un restaurant ainsi qu’un très chic bar lounge sur le toit.

« The French wine-tourism paradox »

La future Cité des civilisations du vin à Bordeaux a été impulsée par la sphère publique, ce qui est assez révélateur du relatif manque de dynamisme, d’innovation et de proactivité des acteurs privés du vin en France dans le domaine de l’œnotourisme.

L’enquête de Christophe Faugère montre également que les professionnels français sont optimistes quant à la croissance future du tourisme viticole dans leur région (Bordeaux), mais le sont beaucoup moins lorsqu’il s’agit du potentiel œnotouristique de leur propre château. Comment expliquer cela ? Plusieurs questions peuvent se poser.

  • L’œnotourisme n’est peut-être pas une priorité pour les châteaux ?
  • L’œnotourisme est-il perçu comme un coût difficile à rentabiliser ?
  • Les propriétés sont-elles encore considérées comme des lieux de vie et de production, et absolument pas comme des lieux ouverts au public ?
  • Recevoir le grand public est-il vu comme dévalorisant pour l’image de marque des châteaux bordelais ?

Chaque propriétaire de château a ses raisons, et il serait très intéressant de leur poser ces questions. Pour autant, le constat global est là, les grands projets œnotouristiques sont encore trop rares malgré le fort potentiel de la France…   

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