Quel avenir pour les 25 cépages étrangers résistants aux maladies ?

Variété étrangère résistantes aux maladies, plantées, depuis huit ans pour certaines, sur le Domaine de la Colombette, chez Vincent Pugibet, dans l’Hérault. Photos : S.Favre/Pixel image

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25 variétés résistantes aux maladies sélectionnées à l’étranger pourraient rapidement être admises au classement français. Ce sésame ne semble pas si simple à obtenir.

On le sait, des variétés de vignes résistantes aux maladies, suisses, allemandes mais aussi italiennes sont déjà plantés à l’étranger et disponibles à la vente en France. Pourtant, ces variétés n’étant pas admises au classement français, il est aujourd’hui globalement illégal1 de commercialiser le vin qui en est issu.
Face à la mobilisation de vignerons et de représentants d’organisations professionnelles, FranceAgriMer avait consenti à mettre en place une procédure accélérée afin d’étudier le cas de 25 cépages étrangers. Objectif de cette démarche : rendre un avis sous six mois quant à la pertinence d’admettre ces variétés au classement définitif. Pays d’Oc et la Fédération des grands vins de Bordeaux se sont positionnés pour être les deux porteurs de dossiers d’admission auprès de FranceAgriMer.

Les avis du CTPS et du Conseil spécialisé attendus pour octobre

Dans le Languedoc, FranceAgriMer travaille encore avec Pays d’Oc à finaliser les dossiers avant examen. Du côté de Bordeaux, les 14 dossiers présentés ont reçu l’aval de l’administration pour passer les étapes suivantes ; à savoir être soumis à l’avis du CTPS et à celui des professionnels siégeant au conseil spécialisé de la filière vin de FranceAgriMer, présidé par Jérôme Despey.

Variété étrangère résistantes aux maladies, plantées, depuis huit ans pour certaines, sur le Domaine de la Colombette, chez Vincent Pugibet, dans l’Hérault.

Le CTPS, qui devait rendre son avis en juin dernier n’avait pas pu honorer son emploi du temps à cause des grèves liées à la Loi « travail ». Craignant que la réunion soit reportée aux calanques grecques, Pays d’Oc et la Fédération des grands vins de Bordeaux avaient écrit un courrier commun exhortant le CTPS à fixer une nouvelle session en septembre. Impossible de savoir si la lettre a porté ses fruits mais une réunion est calée pour le 29 septembre. Le conseil spécialisé vin a choisi d’attendre d’avoir l’avis du CTPS entre les mains pour se décider. Sa position sera connue mi-octobre.

Les représentants de l’association de promotion des cépages résistants, Piwi France, ne sont pas sereins quant à la suite de la procédure. Les difficultés administratives, passées et en cours, pour faire admettre les variétés étrangères au classement sont associées à du zèle voire à un blocage qui ne dit pas son nom. Du côté des administrations en charge, on parle de précaution et de rigueur scientifique pour faire avancer les choses en suivant la réglementation française.

Des dossiers pourraient être « recalés »

Ainsi, le CTPS n’a pas encore rendu son avis mais l’on sait que, pour ses membres, des dossiers ne présentant que des essais locaux à l’étranger dans des conditions pédoclimatiques ne représentant pas toute diversité des situations en France seront jugés insuffisants. Il est donc fort probable que certains des dossiers soient éconduits par le CTPS. Les vignes résistantes d’origine allemande, suisse ou italienne sont, la plupart du temps, pour le moment plantées dans leur pays d’origine. Et comme un chacun le sait, la Suisse et l’Allemagne n’ont pas en leur sein tous les climats français !

Variété étrangère résistantes aux maladies, plantées, depuis huit ans pour certaines, sur le Domaine de la Colombette, chez Vincent Pugibet, dans l’Hérault.

Les noms de cépages posent aussi des problèmes. La loi stipule que « la proposition de dénomination ne doit pas pouvoir induire le consommateur en erreur ». Ainsi, pour FranceAgriMer et le CTPS des noms comme cabernet-jura ne sont pas recevables, d’autant que certains pensent déjà à se contenter de la partie « cabernet » sur les étiquettes. Pourquoi ne pas les changer alors ? Pas si simple que cela ! L’accord des obtenteurs ne suffirait pas puisque les dénominations ont déjà été déposées, telles quelles, dans d’autres pays de l’Union européenne.

« Les interprofessions ont pris à leur charge le montage des dossiers alors que cela était logiquement du ressort de l’IFV et des chambres d’agriculture. Alors que les professionnels s’investissent et qu’officiellement les élus et les administrations disent vouloir aller vers l’agroécologie et la simplification administrative, on nous met des bâtons dans les roues. Nous aurons peut-être quelques demandes de classement validées mais il est à parier que la plupart des 25 variétés résistantes seront dirigées non pas vers un classement définitif mais vers un classement temporaire », estime, las, Vincent Pugibet, président de l’association de promotion des cépages résistants Piwi France et vigneron dans l’Hérault sur 250 ha dont 40 sur des variétés étrangères résistantes aux maladies.

Vers un classement temporaire des variétés

La France a deux classements : un définitif et un temporaire. Le ministre qui tranchera, in fine, sur le sort des 25 variétés résistantes étrangères pourra effectivement demander un classement temporaire s’il juge que les dossiers présentés ne sont pas assez complets.

Sous ce régime, pendant maximum quinze ans, les variétés résistantes seront plantées et étudiées afin d’acquérir plus de connaissances. « Si, en trois ans, les résultats sont probants, il sera possible de refaire une demande pour une admission définitive. Cela pourra aller très vite, assure Laurent Mayoux, Secrétaire technique de la section Vigne du CTPS. Pendant le temps de l’expérimentation, les vins pourront être commercialisés en tant que vin sans IG. C’est l’occasion pour les professionnels de voir si les variétés s’adaptent bien aux conditions en France et pour les metteurs en marché d’imaginer les meilleurs débouchés. Dans le cas des cépages résistants, les observations pourront se faire sur une surface non négligeable de 200 ha par variété répartis par tranche de 20 ha sur les 10 bassins que compte la France. Chaque essai chez les vignerons sera suivi par un organisme qualifié en matière d’expérimentation et les résultats acquis aux quatre coins de la France seront rendus publics. »

Pour le président de Piwi France cette solution n’est pas satisfaisante : « C’est encore un moyen de ralentir les dossiers et de bloquer les initiatives privées. Cette disposition franco-française rend l’expérimentation plus stricte que dans les pays voisins. »

Pour aller plus loin : http://www.mon-viti.com/articles/viticulture/linao-prepare-lintegration-des-piwi-aux-cahiers-des-charges

http://www.mon-viti.com/articles/viticulture/linra-presente-23-varietes-resistantes-au-catalogue

(1) En France, des domaines commercialisent des vins issus de cépages résistants non admis au classement sous le régime de l’expérimentation, régi par un cadre européen et mis en place avant 2016.

Article paru dans Viti n°419 de septembre 2016

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