Quand le sel ronge les vignes

Sur les berges de l’Orb, le sel a laissé une trace nettement visible dans le sol. © DR

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Les vignobles français sont peu touchés par la salinisation des sols. Mais ce phénomène n’est pas totalement absent du territoire national. Il touche notamment une petite région de l’Hérault, à l’embouchure de l’Orb.

 

À Sérignan, dans l’Hérault, cela fait une vingtaine d’années que le sel s’infiltre toujours plus loin dans les terres. « à l’inverse de la tempête Xynthia, qui a eu lieu brutalement, ici c’est un phénomène insidieux », résume Arnaud Lupia, président de la cave de Sérignan (300 viticulteurs, 950 ha, 7,5 M€ de CA). Les parcelles les plus touchées se situent en bordure de rivière, mais le phénomène s’étend jusqu’à 12 km de la mer.

Environ 350 ha sont concernés. Des remontées de sel et des symptômes de dépérissement apparaissent dans les vignes, entraînant des pertes de rendement qui ont été estimées entre 3 et 8 hl/ha par les vignerons interrogés par les élèves-ingénieurs de Supagro Montpellier, soit 3 à 9 % du rendement, auxquelles s’ajoutent les pertes par mortalité des ceps. Des surfaces ont dû être abandonnées : 15 à 20 ha de vignes, 40 à 50 ha de céréales. C’est bien toute l’agriculture locale qui est impactée.

Dans la région de Sérignan, les viticulteurs observent des signes de salinité sur leurs parcelles ainsi qu’une augmentation du dépérissement de la vigne. D’abord localisées, ces apparitions de « taches  salées » sont désormais  plus généralisées. © DR

Une étude en cours

Plusieurs enquêtes ont déjà été conduites afin de trouver les causes et surtout les remèdes à cette situation. Mais ces travaux n’ont pas le poids nécessaire face aux institutions, constate le président. Aussi, une étude avec appel d’offres a-t-elle été lancée l’an dernier. Ses conclusions sont attendues pour octobre 2016. Ce travail devra approfondir les phénomènes en cause et proposer des solutions réalistes et chiffrées. 

Un constat est sûr : les eaux de l’Orb et de la nappe phréatique sont de plus en plus chargées en sel, avec des teneurs jusqu’à 3 g/l, pendant une période de plus en plus longue dans l’année. Jusqu’à présent, la pratique de la submersion permettait de lutter contre l’apparition du sel, mais dans ce contexte, elle devient difficile à mettre en œuvre.

« Nous avons l’habitude de submerger les parcelles avec 3 000 m3/ha, soit 30 cm de hauteur d’eau pendant l’hiver. Avant, cette technique nous permettait de tenir un an, mais maintenant, nous voyons des remontées de sel avant la fin des 12 mois », déplore le président. Il reste toujours la solution d’utiliser l’eau du réseau, comme c’est le cas actuellement sur la rive droite de l’Orb. Mais cette alternative a un coût trop élevé.

 

Trois solutions cumulatives

Selon les travaux précédents, trois solutions cumulatives seraient nécessaires : continuer à submerger les parcelles, bien entretenir les fossés et drainages pour évacuer l’eau salée et limiter les remontées de la mer dans l’Orb, grâce à un seuil à construire dans l’embouchure (petit barrage déversant). Toute la région attend donc les conclusions. « Il y a un enjeu économique direct, avec l’impact sur les exploitations et donc sur la cave, mais aussi un enjeu indirect, sur les paysages et le tourisme », indique Arnaud Lupia.

 

Un phénomène présent sur toute la planète

Si la France est relativement épargnée par la salinisation des sols, il n’en est pas de même d’autres pays. En Tunisie, où des recherches sont spécifiquement conduites sur le sujet, on estime que 10 % des sols sont concernés, soit 1,5 million d’hectares. L’aridité du climat et l’irrigation avec une eau pas toujours exempte de sel aggravent le phénomène. Selon la FAO, la salinisation des sols concerne 400 millions d’hectares dans le monde, sur 1,5 milliard d’hectares cultivés.

 

Seuil de tolérance de la vigne : à partir de quand un sol est trop salé ?

Pour connaître la teneur en sel d’un sol, il est possible d’effectuer des mesures de conductivité (mesurée en milli-siemens/cm). Au niveau international, la FAO a validé des seuils de tolérance des cultures au sel. Pour la vigne, ce seuil correspond à 2 milli-siemens/cm soit l’équivalent de 1,28 g/l de sel dissous. L’analyse de sol classique peut aussi donner une indication : selon l’IFV, les teneurs limites sont de 150 à 200 mg de NaCl/kg en sol sableux et 300 à 400 mg de NaCl/kg en sol argileux.
La phytotoxicité s’extériorise par des symptômes de brûlure du pourtour des feuilles pouvant aller jusqu’à des nécroses, voire la chute des feuilles. Au niveau des rameaux, dans les cas graves, on peut observer le départ des prompts bourgeons. Ces phénomènes peuvent conduire à des pertes de rendement, voire à la mort du pied. L’utilisation de chlorure de potassium comme engrais peut aggraver le problème.
Au rang des solutions :
• drainage et apport d’eau douce,
• utilisation d’un porte-greffe résistant (1616 C, 216-3 Cl, G 1),
• apport de sulfate de calcium,
• non-utilisation de chlorure de potassium.

 

Article paru dans Viti n°416 de mai/juin 2016

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